digue du var

 

NICE SELON WILLIAM SCOTT vers 1900

 

Mise à jour juillet 2017

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Le voyageur qui s’avance vers l’est soit en train soit par la route, approche bientôt de l’importante ligne frontière qui a servi depuis les temps anciens presque jusqu’à nos jours. Elle suit la vallée du Var.

Sur la gauche, il verra l’intéressante ville de Cagnes située de façon pittoresque du côté des collines, comme beaucoup d’endroits que nous aurons l’occasion de mentionner de temps en temps, qui ne manque pas de traits de caractère plus ou moins bien conservés. On peut mentionner le fait que pour beaucoup de ceux qui passent sur la route, le principal intérêt qui s’attache à Cagnes  se trouve dans la présence à cet endroit des terrains du Nice Golf Club  que l’on atteint grâce à un bon service de trams partant de la place Masséna.

Nous avons déjà noté le jugement relatif à Cannes comme étant l’endroit où l’on a plaisir à vivre. Le même auteur nous dit que Nice est une ville où l’on s’amuse. Nous sommes également d’accord avec lui. Vous voulez vous amuser sur la Riviera alors allez absolument à Nice. C’est vraiment charmant comme dit notre aimable cousin, un délicieux p’tit Paris avec un environnement agréable et qui a été aussi appelé le salon de la France. Si vous n’êtes pas trop délicat vous ne ferez pas attention à la température légèrement plus fraiche qu’on ressent ici.

Nice est sensiblement plus froid que Cannes ou Menton et le vent peut être désagréable parfois. Mais son soleil, sa gaité, son mouvement et son éclatante joie de vivre en font la reine de la Côte d’Azur.

La magnifique avenue de la gare avec ses arbres agréables, ses boutiques splendides  portant les noms les plus connus de Londres ou Paris, ses spécialités locales, son service actif  de trams électriques et son air général d’élégance, en font un endroit permanent de plaisir et d’amusement. Vous devez être malheureux ou ingrat en vérité si vous pouvez résister à cette influence brillante. Vous pouvez vous promener sans être jamais solitaire ni triste. Faites-le, le long de la fraiche Promenade des Anglais et vous pouvez poursuivre votre promenade jusqu’à l’embouchure du Var.

Désirez-vous profiter d’un point de vue ? Grimpez le dur chemin sur les hauteurs ouest du château, ou si vous préférez, marchez le long de la route légèrement en pente sous les pins les cyprès et les ilex, vers le même endroit et vous verrez Nice étendue  comme une carte  à vos pieds avec un arrière-plan de collines pourpres. Sur la large plateforme du sommet, le Touring-club de France a placé une de ces tables d’orientation bien utiles et grâce à cela vous pourrez  avec un petit effort repérer les noms et identifier toutes les collines environnantes, villages et principaux points intéressants. Si vos pensées s’orientent vers l’intérieur, vous pourrez voir indiquées les directions des principales villes d’Europe. Si vous voulez envoyer un souvenir délicat à vos amis, il y a beaucoup d’opportunités pour acheter et distribuer  des cartes postales montrant ses aspects variés.

Les excursions dans le voisinage de Nice sont nombreuses et pleines d’intérêt. La vallée du Var d’un côté et la vallée du Paillon de l’autre sont pleines de ces villages pittoresques si caractéristiques de la région. Sans parler du service spécial de train, « Monte » est vraiment un trajet facile en tram, qui suit l’agréable nouvelle route à travers Villefranche Beaulieu et la Condamine avec de belles vues sans fin sur la mer et les collines changeant à chaque instant.

Vous pouvez aller en bicyclette si vous voulez, mais essayez de choisir une heure où les routes ne sont pas arrosées, car cette opération est faite  de façon tellement efficace  qu’une boue abondante en résulte et qu’il faut constamment se garder des côtés glissants. Bien sûr des voitures automobiles apparaissent de tous les genres et conditions qui transportent presque toutes sortes d’occupants sauf les très pauvres, pendant que les antiques charriots peuvent se voir occasionnellement tirés par de vieux chevaux. Evidemment on peut voir quelquefois d’assez bons spécimens pour produire de la viande de cheval. Ce sont les derniers de leur race, pauvres bêtes, et peut être tristes à l’approche de leur fin en face des machines électriques ou à pétrole.

Marchez ou allez à cheval où vous voulez, à l’est, à l’ouest, au nord - au sud c’est le bleu charmant de la mer pour faire du bateau- et vous serez toujours contents  de retourner à cette heureuse Nice qui à la différence de quelques rivales vous accueillera et essaiera de vous rendre heureux que vous soyez très riche ou relativement pauvre, aussi longtemps que vous pouvez et voulez honnêtement payer votre voyage

A Menton par exemple, vous pouvez aller vous faire pendre si vous ne pouvez pas payer le prix d’un hôtel de première classe. Pour toutes sortes de raisons pratiques  et en dépit de certaine prétentions, il n’y a pas d’hôtel de seconde catégorie. Il n’y a pas d’établissements pour des gens respectables aux moyens modestes qui ont peur d’être volés

 Il y a à peine un restaurant modéré sur toute la Place mais à Nice il y a  beaucoup de ressource pour toutes les bourses comme disent nos amis français. Depuis le majestueux « Régence » apprécié des gourmets avec des prix qui correspondent, il y a des établissements de toutes catégories jusqu’au modeste « Lyonnais », ou pour seulement un franc vous pouvez aller, vous faire servir de façon propre  et courtoise, un repas consistant en une soupe, du poisson, une viande, des légumes, du fromage des fruits avec du pain en abondance et une demi bouteille de vin. En vérité les portions ne sont pas très importantes  et le vin  ne sera pas du Château Lafitte, mais que voulez-vous. Au moins vous ne serez pas mort de faim, pour autant que vous aurez dépensé un simple franc.

Un autre restaurant à la mode s’appelle le « Twentieth century ». On vous traitera même mieux pour un franc cinquante et à cet endroit on voit chaque jour un nombre  sensible de jeunes hommes, étudiants, employés, vendeurs de magasins (quelques-uns anglais) un prêtre ou deux, et des femmes aux moyens modérés qui sont sorties  faire les boutiques  ou qui ont des obligations de travail qui les tiennent hors de chez elles pendant la journée. C’est  vraiment une maison très respectable.

Et comme elles sont nombreuses les boutiques de confection, les salons de thé, les boutiques de fruits confits, les luxueuses et agréables nouveautés présentées pour votre plaisir  sans oublier une des spécialités de l’endroit, ces toutes petites boites  de violettes au sucre.

Vous devez être bien difficile en vérité si vous ne trouvez pas quelque chose à votre gout. Pour l’amusement il y a des théâtres avec comédie, opéra-comique, opéras sérieux, drames à la fois français et italiens. Il y a des spectacles de music-hall et des concerts de très bon niveau et il y a même des facilités pour jouer. A l’occasion la Jetée Promenade sera comme une flamme lumineuse contre le ciel sombre de la nuit et des feux d’artifice éclateront et formeront des flashs tout autour. Il y aura une affiche en lettres capitales pour le spectacle se produisant à l’intérieur aussi bien que des amusements libres à l’extérieur.

           Voulez-vous voir des groupes pittoresques, des foules joyeuses, et des tas de fleurs ? Allez au marché à l’est de la ville et voyez les étalages pleins jusqu’en haut de fleurs  dorées ou écarlates selon la saison. Ici la bonne maitresse de maison, la bonne de confiance ou le corpulent cuisinier feront provision pour le repas du jour, où les fruits et les légumes  remplissent l’espace sous les parasols désuets ou à même le sol dans le soleil ou dans l’ombre.

           Un vigoureux effort est fait pour créer à Nice un véritable « art centre » (centre d’art). Malheureusement ce nom a un sens restreint ; en d’autres termes on désire que le théâtre local (un des plus importants de toute le Côte)  soit la scène de créations de nouvelles pièces, une possibilité maintenant pratiquement interdite du fait des absurdes préjugés qui existent avec le résultat  que rien ne peut être considéré comme bon qui n’a  reçu le sceau et la sanction d’une « première » à  Paris, ou qui a été approuvé par les critiques comme centre d’art. Il pourrait sembler pour nous nordiques, qui sommes habitués à un système totalement différent de l’entreprise du théâtre, qu’une agitation aussi importante au sujet d’une matière aussi simple n’est vraiment pas nécessaire. Mais nous ne pouvons saisir  les complications des arrangements, les bâtons dans les roues qui en résultent en restant esclaves d’une coutume rigide ou réaliser combien les leaders des professions dramatiques ou théâtrales sont loin de s’affranchir eux-mêmes de ces servitudes.

Une lumière considérable est cependant jetée sur le sujet si nous suivons les discussions assez soigneusement pour percevoir qu’une des clés de la situation  est le fait qu’aucune spéculation au sujet de cette affaire ne peut réussir à moins que les autorités communales ne veuillent donner une subvention considérable d’argent public pour cela. Tel est le point sensible. Tel est l’objet réel visé, car bien sûr si quelque manager avec ou sans capitaliste derrière lui, choisit de réserver un théâtre et de monter une nouvelle œuvre de façon indépendante comme cela se pratique toujours en Angleterre, il n’y a aucune façon de se priver de le faire.

 Il semble qu’en France ou en Italie on ne trouve personne pour faire une telle chose et l’impulsion publique est toujours sollicitée pour couvrir tout risque de perte. Ce qui pourrait sembler être une voie sûre garantissant le succès  est probablement au contraire  une des plus prolifiques sources d’échec

Les directeurs de théâtre qui savent qu’en toute circonstance ils ne peuvent perdre beaucoup mais ont toujours la certitude de rentrer dans leurs frais, au lieu de faire de réels efforts qui assureraient le succès, sont trop souvent contents de retomber sur leurs pieds avec juste assez de dépense d’énergie qui leur procurera des subsides sûrs et ils laissent le reste à la chance.

Certainement la présence d’une foule importante et cosmopolite de visiteurs tous avides d’amusement et la plupart fervents de théâtre, justifierait une expérience sur une base plus audacieuse que celle pratiquée à présent. Et si la spéculation était dirigée sur des principes d’affaires solides, incluant l’inévitable publicité et promotion, il n’y a pas de raison que Nice n’aurait pas d’intéressantes « premières » aussi bien qu’un autre endroit. Il est difficile d’utiliser une phrase aussi significative que Nice centre d’art pour  indiquer ou procurer un résultat  évidemment si désirable  pour ne rien dire du fait que les « art centres »  ne se créent pas d’un trait de plume mais progressent patiemment  et lentement dans l’existence et la reconnaissance de leurs propres efforts, leur propre mérite  et leurs propres qualifications particulières.

Que Nice réussisse ou non à être reconnue comme centre d’art, elle est généralement  considérée comme étant le centre de la Riviera française. Il en est ainsi du fait de sa situation géographique et elle peut vraiment être considérée ainsi du point de vue de ses caractéristiques et de ses visiteurs. Les extrêmes se rencontrent à Nice. Les très riches y viennent, les pauvres sont bienvenus ; les plus raffinés et amateurs d’art sont charmés par ses beautés naturelles, les mille et une excursions à faire à partir d’ici  et les pittoresques villages dans des situations qui paraissent impossibles qu’on peut trouver dans les vallées. Pendant que les moins éduqués, les voyageurs bohêmes, trouvent ses amusements à leur gout et pour les autres son abord facile et les lieux de repos les plus appréciés convenant à leurs souhaits.

 

Bibliographie

 

 The Riviera painted and described by William Scott

A. and C. Black London MCMVII.

By gracious permission dedicated to her Royal Highness Princess Louise duchess of Argyll.

London 1907