digue du var

 

LES BENEDICTINS DE SAINT LAURENT D'EZE 06360    1874 - 1894

Mise à jour janvier 2010

Etude Françoise Prost, Raoul Barbès

 

Ce dossier s'inscrit dans une étude plus large consacrée au Prieuré de Saint Laurent d'Eze et à son environnement . Voir dossier Internet: villages Eze

Le Prieuré rural de Saint Laurent d’Eze qui avait appartenu autrefois aux Bénédictins de l’Abbaye de St Pons de Nice faillit « renaître » de ses cendres en 1874 entre les mains de moines bénédictins venus cette fois de l’abbaye de Subiaco. Quelques documents nous ont permis de reconstituer cet épisode.

 

Les Bénédictins vont rencontrer à St Laurent d’Eze de nombreux problèmes qui aboutiront à l’échec de leur tentative d’implantation sur ce territoire. La plupart des informations sur cet échec proviennent des Archives Départementales des Alpes Maritimes (ADAM 06V2)

Un acte référencé ADAM 3 E 096/11 daté du 5 décembre 1874 intitulé « Vente par Monsieur le Comte de Falicon à Messieurs Casaretto, Boussard et Dupéron, prêtres et à M. Serafini » passé devant Maître Jean-Baptiste Sajetto à Nice étonne par la personnalité des acheteurs (v.annexe) Des bénédictins de diverses provenances prennent donc possession des lieux décrits dans cet acte notamment dans un plan détaillé dressé par l’architecte Montolivo

 

L’origine de propriété a été reconstituée en ces termes :

« Origine de la propriété de Saint Laurent d’Eze ;

Messieurs Jacques Dupéron, Philippe Boussard, prêtres domiciliés à Buckfast (Angleterre), Dominique Serafini domicilié à Rome, et Monsieur l’abbé Pierre François Casaretto, prêtre domicilié à Gênes (Italie) ont acheté la propriété de Saint Laurent par association tontinière du Comte Emile Renaud de Falicon officier dans la marine italienne représenté par sa mère Ermenegilde Vve de Falicon née Audiberti de Santo Stefano suivant acte du 5 décembre 1874, reçu Me Sagette notaire à Nice.

L’abbé Pierre François Casaretto est décédé à Gênes le 1er Juillet 1878.

Le comte Emile de Falicon  avait hérité de son père Henry, décédé ab intestat  à Nice le 15 Janvier 1874. Ce dernier la tenait en partie, comme héritier de sa sœur Berthe de Falicon, célibataire,  décédée ab intestat  à Eze le 31 Décembre 1869, et en partie pour l’avoir acquise de son autre sœur, cohéritière de Berthe, Octavie de Falicon, épouse du Chevalier Frédéric Constant Lovera de Maria, suivant acte sous seing privé du 30 Janvier 1871 enregistré le 29 avril 1871. La demoiselle Berthe de Falicon la tenait comme acquisition de Frédéric Constant Lovera de Maria, suivant acte du 14 Avril 1842 reçu Arnulf notaire. Ce dernier l’avait depuis plus de 20 ans »

 

 

Après 1870 le régime de la France est resté flou jusqu’à l’amendement Wallon qui a institué clairement la République. Dans une lettre du Ministère de l’Intérieur au Préfet du 2 avril 1880, il est dit que « depuis 1870 les partis hostiles ont à maintes reprises essayé de faire de la religion catholique leur drapeau de ralliement » (N° 028)

On craignait alors le retour de la Royauté avec le Comte de Chambord.

C’est pourquoi le Gouvernement français  a demandé au Préfet en 1880 d’établir une liste des congrégations autorisées.  Dans un rapport de gendarmerie du 6 juin 1880, il est écrit  « qu’une communauté religieuse de l’ordre des bénédictins existe au hameau de Saint Laurent  depuis environ six années, composée de six hommes….  Ces religieux ne se livrent pas à la prédication, ils vivent la vie contemplative»

La congrégation n’étant pas autorisée, est expulsée officiellement le 6 novembre 1880. Il est indiqué dans le rapport que « l’établissement dont la maison mère est à Subiaco avait été créée d’abord pour servir de refuge ou d’hôpital aux membres malades de la Congrégation et que plus tard il avait été converti en noviciat » (N° 055)

Dans un rapport du 8 novembre 1880 il est noté que  « cette dissolution s’est effectuée sans bruit  et sans que l’opinion s’en préoccupe »

Mais il y a eu une protestation du représentant du propriétaire (N°037)

Après quoi une surveillance a été exercée par les autorités, connue notamment par les lettres du 1er octobre 1982 du Ministre de l’Intérieur et des Cultes au Préfet et sa réponse du 19 octobre 1882  (N°062), ainsi que du Commissaire de Police du 9 juillet 1887 et du 14 septembre 1890.

 

Le 13 juin 1894 (Ad Vol 620 cote 402Q 04/0709 case10)  est présenté à la transcription l’acte de mutation de la totalité du domaine de St Laurent d’Eze dont la teneur suit : Par devant Maître Louis Victor Valentin, Notaire à Monaco a comparu Monseigneur Dominique Félix Vaggioli, prêtre demeurant à Gênes et actuellement à st Laurent d’Eze, de passage à Monaco agissant au nom et comme mandataire de M. Philippe Boussard… Jacques Dupéron … Dominique Serafini … lequel ès-nom  a, par ces présentes, vendu à son Excellence le Très Honorable Sir Edward Malet G.C.B, Ambassadeur de sa Majesté Britannique à Berlin, ici non présent mais représenté par M. Edward Smith, vice consul de S.M Britannique à Monaco, … une propriété située sur la commune d’Eze, quartier de St Laurent d’une superficie de cent quarante huit mille mètres carrés plantée de citronniers, orangers, oliviers etc sur laquelle existe une maison de maître élevée sur cave d’un rez de chaussée et de  deux étages, un moulin à huile, une maison de fermier y attenante, une autre petite maison dans la campagne pour fermiers, une écurie avec grange au dessus, une autre maison dite Le Saint avec cour au milieu  pouvant servir à plusieurs fermiers ensemble toutes les sources et eaux jaillissant ou existant dans la propriété…

 

Après la vente, un dernier rapport du Commissaire de Police du 18 mai 1899 résume l’historique  de la période d’occupation des bénédictins et note accessoirement qu’un des pères aurait eu une concubine. (N° 079)

Pendant cette période, les pères ont eu notamment des ennuis avec la population au sujet des droits d’eau, qui continueront d’ailleurs par la suite. (voir droits d’eau)

 

 

Annexe

 

Personnalité des acquéreurs

 

1 -Philippe Boussard en religion frère Edmond  de l’Ordre des Bénédictins, natif de Vénissieux, Commune de saint Martin du Puy, département de la Nièvre, France, demeurant en ce moment au monastère de Buckfast Abbey, Commune de Buckfastleight, comté de Devon, Angleterre

 

2 - Jacques Dupéron prêtre, de Libourne (Basses Pyrénées) France, OSB, Monastère du Sacred Heart Mission Indian Territory le dix avril mil huit cent quatre vingt cinq 

 

3 - Révérend Prêtre Sieur Domenico Serafini, fils de feu Louis né à Rome résidant à Subiaco. Domenico Serafini OSB (3 août 1852- 5 mars 1918) Prélat italien de l’Eglise catholique romaine qui servit dans différents postes pastoraux, diplomatiques et curiaux et fut élevé au Cardinalat en 1914.

 

4 - Père Abbé  Dom Piero Francesco Casaretto  (1810-1888) demeurant à Gênes (Italie) qui est le fondateur de la Congrégation de Subiaco, congrégation internationale comptant 64 monastères situés sur les cinq continents (v. site internet de la congrégation de Subiaco).

 

Le Monastère du Sacred Heart indian Mission où se trouve Jacques Dupéron a fondé une mission en terriroire indien en 1876 : Le moine fondateur de cette mission (Père Isidore Robot (1837-1887) venait  du Monastère bénédictin de Ste Marie de la Pierre- qui- Vire or ce Monastère est agrégé à la Congrégation de Subiaco en 1859.

 

L’Abbaye de Buckfast où se trouve Philippe Boussard est la possession de moines bénédictins appartenant à la Province française de « la Congrégation Cassinaise de la Primitive observance » (autre nom de la Congregation de Subiaco depuis 1867)

(site Catholic Encyclopedia- Beckfast Abbey sur internet).

 

Les quatre acheteurs ont un lien entre eux. Ils appartiennent tous à la Congrégation de Subiaco laquelle a une vocation missionnaire et internationale.

Leur mandataire Dom Felice Vaggioli est une personnalité (1845-1921) auteur notamment d’un ouvrage « Avventure di un refrattario descritte da lui stesso » traduit en 2001 de l’Italien en Anglais par John Crockett « a deserter’s adventures. The autobiography of Dom Felice Vaggioli »  publié par University of Otago Press New Zealand» (ce personnage ayant soutenu la cause des Maori intéresse les Neozélandais).