Mariana Starke () lettre 2
Traduction
« Nice octobre 1792
Vous devez nous penser très malheureux d’être arrivés à Nice juste pour la voir prise et vous devez être impatients d’en connaître les détails.
Pendant que nous résidions en Suisse nous avons entendu des rumeurs de guerre prochaine entre le France et sa Majesté sarde et que beaucoup d’émigrants qui avaient passé le dernier hiver à Nice étaient en fait des républicains envoyés pour transmettre les principes républicains au peuple et nous avons craint l’éventualité d’une telle guerre.
Nous avions été particulièrement témoins de la misère de la Savoie sous le gouvernement existant et trop bien connu les offres spécieuses faites par la France à chaque nation qui se plaignait de griefs réels ou imaginaires. Nous avons également raconté que le Souverain sarde, bien que bon et aimable, était induit en erreur par le clergé et fréquemment trahi par ceux en qui il avait eu confiance.
Cependant comme nous avions vu les fortifications naturelles du Piémont et de la Savoie (décrites dans ma dernière lettre) en même temps que les forteresses si bien disposées par la sagesse humaine pour rendre impossible à une armée hostile de pénétrer par ce passage des Alpes et comme nous savions aussi que Nice avait une garnison de sept mille hommes de troupes piémontaises, et qu’elle était séparée de la France par un torrent appelé le Var, toujours terrible et fréquemment infranchissable, nous nous sommes aventurés à préparer notre retour vers cette ville en prenant la précaution de demander que le Consul anglais à Nice envoie une lettre à Turin pour savoir si nous serions oui ou non en sureté.
Ayant appris par expérience combien il est fastidieux et cher de voyager « en voiturier », à travers le Piémont et la Savoie, nous nous sommes déterminés à aller en Poste à Turin et nous avons donc envoyé un message de Genève à Carouge (la première vile de Savoie), demandant au Commandant de cette Place de nous fournir un « bolletonne » pour quatre chevaux de trait et un cheval de selle à chaque relai de Poste. Il accéda immédiatement à notre requête désirant que nous renouvelions l’ordre à Chambéry.
Grâce à ce bolletonne nous n’avons jamais payé pour plus de quatre chevaux de trait quand le Maitre de Poste le jugeait nécessaire.
En envoyant notre Courrier en avant de Bramens à Lanslebourg, lui précisant la taille de notre groupe et l’importance de notre chargement, nous avons trouvé à notre arrivée à la dernière ville susnommée, des chaises et des porteurs tout prêts de sorte qu’en dix minutes de temps nous avons commencé l’ascension de la montagne, atteignant Tavernettes (le relais de poste du Cenis) en un couple d’heures. Là nous nous sommes arrêtés pour nous réchauffer et prendre des rafraichissements, puis avons continué en deux heures et demies jusqu’à Novalesa où notre voiture et nos bagages arrivèrent un couple d’heures après.
La route à travers le Cenis était à cette époque si bonne que la caisse de notre voiture fut suspendue entre deux mules. Les roues furent retirées de la manière habituelle sans subir aucun dommage. Le passage de la montagne nous a coûté cent quatre-vingt-quatre livres piémontaises outre un pourboire « buona mano » aux porteurs, ce qui a fait en tout près de dix livres sterlings, et la totalité de notre dépense s’est montée à un tiers de moins que si nous étions allés en voiturier, outre que nous avons voyagé avec plus de commodité.
Comme nous avons passé le Cenis en chaise ouverte, j’ai conversé pas mal avec mes porteurs. Ces hommes sont en général intelligents à part trois moins futés. Ils nous ont entretenus des contes de Marmontel et d’autres histoires également amusantes, bien que maintenant, leur seul thème soit la politique, souhaitant que le gouvernement français soit leur protecteur.
Et quand je fus installée à Tavernettes (qui se trouve presque au sommet du Cenis), je fus avidement questionnée par la Maitresse de Maison concernant le mouvement des armées républicaines et qui disait en même temps « la Savoie sera bientôt libérée ».
Tout cela nous alarma et à notre arrivée à Turin nous avons eu la désagréable surprise d’apprendre que la lettre que nous attendions du Consul britannique à Nice, avait par erreur été envoyée en Suisse. Cependant comme il apparaissait de ses avis à notre Ministre à Turin qu’il pensait que Nice était parfaitement calme, à la fois du fait de ses forces intérieures et de la situation locale, nous nous sommes mis d’accord avec un voiturin pour nous amener ici, craignant qu’il ne nous soit difficile de trouver un nombre suffisant de chevaux de poste au-delà de Tende, et nous avons donné quinze louis d’or « buona mano » à ce voiturin, prenant à notre charge les dépenses d’auberge et lui payant le passage du Col de Tende qui ne lui coûtait rien excepté les chevaux supplémentaires en montagne, la route étant à cette époque si bonne que nous n’avons pas estimé nécessaire de décharger la voiture ou de prendre nous-mêmes des chaises.
Nous sommes arrivés à Nice le 22 septembre mais trouvant presque tous les hébergements hors les murs occupés par des soldats piémontais, un camp au bord du Var, de nouvelles batteries installées ou en cours d’installation, et une sorte d’appréhension sourde dans le peuple, nous avons commencé à penser louer une felouque et aller à Gênes.
Toutefois on nous a assuré « il n’y a pas de danger » à rester pour récupérer de la fatigue de notre dernier voyage, qu’il n’y avait pas réellement cinq cents militaires dans le sud de la France, que sur terre Nice était gardée de façon sûre et que même si une attaque était effectuée par mer nous pourrions aisément nous échapper avant qu’un débarquement n’ait lieu.
Ainsi bercés dans un état d’imaginaire sécurité nous avons résolu d’attendre les évènements dans un hôtel à l’intérieur des murs de la ville et le dimanche 23 rien n’arriva pour nous faire regretter notre résolution. Mais le 24 j’ai remarqué que les juifs s’en allaient et que beaucoup d’autres gens, particulièrement les émigrants français, faisaient leurs bagages. Le 25, l’évêque de Nice (un homme des plus aimables et respectables), appela pour nous dire que d’après des signaux, une flotte importante était en vue et qu’il espérait pouvoir prouver que les russes venaient nous défendre.
Mais cet espoir fut vain. Le 26 beaucoup de bateaux approchèrent assez près pour voir qu’ils étaient français. Bien qu’une opinion prévalait qu’ils n’étaient pas en mesure d’attaquer Nice, néanmoins une panique universelle saisit toutes les catégories de la population occasionnée principalement à ce moment par une proclamation du gouvernement obligeant chaque personne qui possédait soit des chevaux soit des mules, de les mettre au service du Roi.
Ainsi tous les espoirs de s’échapper par la terre furent anéantis et le matin du 28, le premier objet qui frappa nos yeux fut que la flotte française était constituée d’environ seize bateaux de ligne et se tenait au large du port. Je suis allée immédiatement au quai pour louer un navire marchand anglais (notre nation était en paix avec la France) pour faire embarquer ma famille et mes amis avant que la ville ne soit bombardée, circonstance que nous attendions à cette heure de se présenter. Mais je n’ai pu trouver aucun vaisseau anglais prêt à prendre la mer bien que j’en engageai un à nous emmener à Gênes au moment où le capitaine pourrait trouver un chargement. Car sur une felouque niçoise nous n’aurions pas tenté l’aventure craignant qu’elle n’eût été coulée par l’ennemi.
En revenant du port, j’appris à mon extrême surprise que le Roi de Sardaigne avait envoyé un exprès de Turin ordonnant à ses troupes de quitter les lieux aussitôt que possible et d’abandonner Nice. Pour quel motif un tel ordre avait été donné, il est impossible de l’imaginer mais la consternation qu’il produisit dans le peuple dépasse toute description, et il n’était que trop juste de s’alarmer, car le gouvernement sarde avait non seulement reçu et abrité à Nice quelques milliers des plus odieux loyalistes mais également banni ou emprisonné beaucoup de républicains. Par conséquent il y avait de sérieuses raisons de craindre vengeance.
Pendant trois ou quatre heures, un intervalle de temps affreux, Nice attendait dans une silencieuse expectative ce qu’il allait advenir pendant que les émigrants français s’enfuyaient à pied à travers les Alpes; les piémontais autant que la noblesse niçoise suivaient cet exemple ou s’employaient eux-mêmes à enterrer leurs affaires. Les troupes sardes s’en allaient froidement, avec à leur tête leur Commandant et accompagnées par d’autres officiers excepté un, le Chevalier de Saluccio, Gouverneur du Mont Alban.
Quand nous sommes retournés à notre hôtel, j’ai appris que quelques officiers cantonnés là avaient fait leur bagage la nuit précédente, alors que l’ordre d’évacuation de Nice n’était arrivé que le matin. La flotte française avançait graduellement et à la fin se mit en ligne devant le port. En même temps elle envoya un bateau avec un drapeau en signe de trêve, et de façon répétée, les gens sur ce bateau demandaient à parlementer, avant que les niçois terrifiés ne fassent une réponse convenable.
A la fin toutefois, un bateau fut envoyé du quai aux couleurs de la ville sur lequel les messagers français abordèrent pour aller à terre. Ils demandèrent la libération immédiate de leur Consul qui avait été arrêté par le gouvernement sarde, et les quelques magistrats civils restant à Nice (car la plupart de ces gentlemen avaient disparu) non seulement acceptèrent leur requête mais en même temps remirent la ville entre leurs mains, avant même qu’une telle reddition n’ait été demandée.
Un compte rendu de cet évènement fut immédiatement envoyé à Antibes, pendant que le Consul de France rejoignait la flotte en triomphe.
Il se passa quelques heures avant de savoir quoi espérer de nos conquérants. Dans le même temps les esclaves galériens laissés sans surveillance brisaient leurs entraves l’un l’autre, et devinrent la crainte de toute la ville à tel point que l’arrivée des troupes françaises fut considérée comme une bénédiction.
Vers la nuit cependant quelques officiers républicains vinrent d’Antibes pour dire que la reddition de Nice n’était pas prévue de leur côté, leur armée n’étant pas rassemblée pour se mettre en marche jusqu’au matin suivant, et ceci ne fut pas aussitôt annoncé que le Chevalier de Saluccio nous prévint pour souhaiter que nos portes soient barricadées et notre famille préparée à s’enfuir, tant il y avait d’appréhension que les esclaves galériens aillent piller la ville et massacrer nombre de ses habitants.
Cet homme de valeur ajouta qu’il avait notifié au Commandant et demandé avec insistance un coup de main des troupes afin de maintenir l’ordre jusqu’à ce que les français arrivent, mais sa requête fut rejetée.
Un tel refus parut inexplicable, quoique l’énigme fur rapidement résolue quand il comprit que la confiance aveugle du gouvernement en premier lieu, l’ordre aux troupes de s’en aller en second lieu et la reddition de Nice en troisième lieu était l’oeuvre d’une trahison subie par ce pays, que chaque batterie qu’il prétendant ériger pour leur défense était placée de façon telle qu’elle était inutile.
Pendant que le Mont Alban, le seul endroit qui aurait pu être aisément et vigoureusement défendu était en dépit des remontrances du gouvernement totalement négligé.
Le jour même où les français arrivèrent, ils commencèrent à fortifier le Mont Alban transportant là-haut par un travail incessant, cent pièces de canon qu’ils trouvèrent prêts chargés sur les murs de Nice
Nous sommes bien sûr restés debout toute la nuit, comme je crois chaque famille et heureusement pour nous tous, le butin trouvé par les pilleurs dans les maisons vides les a entièrement occupés jusqu’au matin.
Alors presque toute personne de rang qui avait la force de marcher s’enfuit dans les Alpes et c’était vraiment triste de voir la personne âgée et l’enfant peinant pour la première fois de leur vie sur les pierres de la montagne, exposés aux rayons funestes d’un brûlant soleil, chargés d’argent, de vaisselle et d’autres objets de valeur sous le fardeau desquels ils croulaient littéralement.
Nous avons su alors que certains éléments des troupes françaises étaient en train de franchir le Var et l’après-midi du 29 une colonne constituée de dix mille hommes entra, précédée par des femmes portant des haches de guerre, une branche d’olivier et les couleurs nationales surmontées du chapeau de la liberté et commandée par le Général Anselme qui s’arrêta à la Porte pour haranguer et réconforter les niçois tremblants en les assurant de ses intentions de miséricorde et de protection.
Quand le discours fut terminé et que les acclamations qui suivirent eurent cessé, les troupes marchèrent le long des remparts avec le plus grand calme et en bon ordre, saluant les Armes d’Angleterre quand ils passaient devant la maison de notre Consul et s’abstenant de prononcer un simple mot qui aurait pu soit humilier soit alarmer le peuple conquis.
Cependant nous n’avons pas passé la nuit tranquille car alors que nous étions assis pour souper, le bruit d’effraction pour ouvrir les maisons vides, assaillit continuellement nos oreilles pendant que la probabilité que nos chambres vacantes suivent le même sort, nous remplit de sérieuses appréhensions.
De plus en plus le brouhaha dans les rues était terrifiant et le matin suivant nous avons appris que Nice avait été menacée autour de minuit par un danger imminent, car un coup de pistolet ayant été entendu éclater Place Victor, les troupes s’alarmèrent immédiatement supposant que c’était un signal pour les régiments piémontais (qu’ils croyaient être encore embusqués près de la ville) pour leur tomber dessus et les massacrer; et enragées par cette imaginaire traitrise, elles résolurent de nous brûler tous dans nos lits, et elles étaient vraiment prêts à partir en expédition, quand l’éloquence du Général Anselme calma leur méprise et ainsi préserva la ville et ses habitants innocents.
En recevant cette information, nous ne perdîmes pas de temps pour demander au Commandant de la ville de laisser embarquer notre bagage à bord d’un vaisseau anglais et également pour embarquer nous-mêmes dès que le vaisseau serait prêt.
Il vint immédiatement vers, nous écrivit le passeport que nous sollicitions, nous assurant cependant de son souhait de maintenir le bon ordre, nous promettant une garde permanente de vingt hommes choisis dans son propre régiment, pendant que nous attendions. En même temps pensant à notre propre départ, il nous recommanda en outre au soin spécial de ses soldats et leur donna ordre d’assister nos employés pour transporter notre bardas jusqu’au bateau.
Il affecta aussi une garde pour chaque autre famille à Nice. Jusque-là les français agirent libéralement mais je dois maintenant mentionner un fait qui les déshonora pendant que cela faisait peine à chaque amoureux de la vertu.
Quand la République fut sur le point de prendre possession de la ville de Nice, il fut demandé que les clés de la ville fussent remises formellement. Comme tout responsable niçois et piémontais tant civil que militaire avait maintenant disparu, l’évêque de Nice qui en dépit de sollicitations répétées, refusait de partir, déclarant qu’il resterait pour veiller sur son troupeau) fut forcé par eux et convoqué pour accomplir la cérémonie mentionnée ci-dessus.
Il dut obéir, en prenant avec lui deux ou trois de ses chapelains ; un de ceux-ci s’adressa à lui en l’appelant Monseigneur. Entendant cela, l’orgueilleux général s’exclama « il n’y a plus des Monseigneurs, Monsieur l’abbé, s’il vous plait » et se tournant vers l’évêque dont la croix était pendue à son cou, il lui intima l’ordre jeter cette babiole et de prononcer le serment patriotique.
L’évêque refusa dignement. Sur ce on désira qu’il quittât la ville. En retournant à son palais, il perdit connaissance, mais se remettant vite il partit à pied sous une pluie battante vers Turin où il arriva malgré tout saint et sauf.
Entre le 25 du mois dernier et le 5 de celui-ci, les troupes françaises dont le nombre s’élevait, je crois, à vingt-cinq mille s’étaient renforcées dans la ville et comme la plupart des hommes des régiments étaient brutaux, turbulents et rapaces, notre situation devint extrêmement désagréable, nonobstant la protection que nous avait assurée le Commandant.
C’est pourquoi nous avons supplié le capitaine de notre navire marchand de faire tout son possible pour le préparer à appareiller, et après avoir déposé notre propre bagage à bord, nous fumes assez heureux d’emporter beaucoup de valeurs pour nos amis. Mais comme le Consul britannique était déterminé à quitter Nice dans quelques jours, et que notre bateau était le seul dans le port préparé à naviguer, il ordonna au capitaine de l’attendre.
Le 4 cependant, le capitaine tout réjoui vint vers nous en disant que le Consul était prêt et que nous pouvions monter à bord le matin suivant. Mais quand le moment arriva il nous appela pour nous informer qu’un embargo inattendu avait été mis sur son navire. Cette information était alarmante car nous ne savions pas ce qu’il arriverait ensuite.
Cependant nous avons appris de notre Ministre à Turin, l’honorable John Taylor (toujours plein de sollicitude pour ses compatriotes) qu’il avait envoyé une frégate pour nous transporter à Gênes. Nos esprits en étaient revivifiés mais ce faible rayon de soleil fut rapidement obscurci par le renseignement mortifiant que les circonstances qui s’étaient produites obligeaient la frégate de rebrousser chemin.
C’est pourquoi un autre jour se passa dans la crainte.
Mais le 8 notre capitaine vint avec un air joyeux pour nous annoncer que l’embargo était levé et que par conséquent nous étions prêts à embarquer, et nous conseilla d’être aussi discrets que possible en arrivant sur le port.
Ma famille alla deux par deux par divers chemins pendant que moi, étant obligée de rester la dernière, je me suis rendue au port, habillée en domestique, passant les postes français avec l’attitude la plus modeste.
De ce fait les soldats étaient si aimables que lorsque j’atteignis le bord de l’eau ils appelèrent un bateau pour me convoyer jusqu’au navire.
Les anglais qui se conduisirent avec moins de discrétion, n’échappèrent pas aux insultes et même éprouvèrent quelques difficultés pour monter à bord.
Comme le Consul et sa famille avaient maintenant embarqué, nous étions extrêmement anxieux de mettre à la voile, mais les éléments étaient contre nous, le vent étant tellement contraire et la mer tellement agitée qu’il était impossible de tenter de sortir du port.
Cependant rien de désagréable n’arriva jusqu’à aujourd’hui.
Mais quelques voyageurs anglais qui comme nous étaient informés que Nice ne courait aucun danger, avaient loué un bateau vénitien pour les transporter ici et étaient juste en train d’entrer dans le port quand à cause de la maladresse du capitaine, un français fut tué.
A l’instant une multitude de soldats, montèrent à bord de leur vaisseau et aurait tué tout l’équipage sans épargner les anglais si un officier républicain n’avait préservé leurs vies au péril de la sienne, et bien que n’ayons rien à voir dans cette affaire, les soldats qui étaient maintenant de mauvaise humeur sautèrent en nombre considérable sur le pont de notre bateau qui était parallèle à la côte, jurant que nous étions des aristocrates et menaçant de nous voler et de nous tuer.
A la fin cependant leurs officiers les apaisèrent et les renvoyèrent, mais néanmoins il nous sembla prudent de nous écarter de la côte et également de nous résoudre à prendre la mer tôt le matin suivant bien que le temps continuait à être mauvais.
C’est pourquoi je vais envoyer cette lettre pour être mise à la poste par Faraudy (voir note) qui était une fois notre apothicaire, bien que maintenant métamorphosé en leader de la Municipalité.
Cet homme né paysan, mais doué d’une solide intelligence apprit lui-même l’anglais, étudia la physique suivant notre mode de pratique et en beaucoup d’années d’une grande assiduité, acquit, principalement de voyageurs anglais, une grande fortune.
Mais bien qu’il semblait à présent arrivé à cette période de la vie où la tranquillité pourrait seule permettre de profiter des fruits de son activité, il avait projeté le mois passé de permettre le changement de gouvernement à Nice et ceci car il considérait plus avantageux pour son pays d’être incorporé à la nation française plutôt que de rester comme un appendice de l’insignifiante Couronne de de Sardaigne.
En oubliant cependant que les changements révolutionnaires, bien que parfois bénéfiques pour la génération montante sont toujours dangereux pour ceux qui les font et il doit en être ainsi dans le cas présent.
Un pouvoir absolu est confié au peuple dont le principe chéri est l’athéisme et leur but de professer un universel empire.
Vous vous étonnerez peut être de la dernière partie de cette sentence, mais nous avons eu récemment de nombreuses conversations avec des officiers français qui n’ont aucun scrupule à dire que leur intention est de faire de Nice une nursery pour leurs troupes, et quand elle seront vraiment disciplinées et payées, de détruire l’aristocratie de Gênes, pénétrer à travers les Alpes jusqu’à Turin, détrôner le Roi de Sardaigne, émanciper le Milanais, abolir la papauté, révolutionner Naples, soumettre l’Allemagne et puis au cas où l’Angleterre leur chercherait querelle (ce que sérieusement ils espèrent qu’elle ne fera pas) tenter en dernière instance de l’envahir et de la conquérir.
Il doit cependant se passer un temps considérable avant qu’aucun de leurs chers plans puisse être exécuté et durant cet intervalle, puisse le Piémont renvoyer ses traitreux conseillers et Gênes se préparer à la défense »
Ferraudi a été mentionné dans un article de A. Demongeot sous le titre – affaire Lascaris paru dans - Recherches régionales 6ème année 1966 N°2 Avril juin page 5 « on pourrait encore mieux appeler Scudery de Contes et y remplacer comme commissaire près l’administration municipale par Ferraudi apothicaire ex juge de paix, excellent patriote »
Letters from Italy between 1792 and 1798 containing a view of the Revolution in that country from the capture of Nice by the French Republic to the expulsion of Pius VI
The ecclesiastical estate by Mariana Starke in two volumes
London R Philips N° 71 ST Paul’s church yard