Mise à jour juin 2019
Ex-voto: Il s'agirait d'un loup à tête de lion maison du patrimoine Roquebrune sur Argens var |
Chapitre XL
Traduction des pages 289 et suivantes
« triste lupus stabulis » (voir note virgile)
Les plus remarquables des plus grands quadrupèdes sont le sanglier, le lynx, le loup et le chamois.
Le sanglier est encore chassé dans l’Estérel. Selon le souvenir de personnes encore vivantes, des cultures ont été dévastées par cet animal au-dessus du village de Clans dans la vallée de la Tinée. Je me souviens d’un sanglier, je pense le dernier, qui a été tué dans les marais du Var.
Deux lynx ont été tués ces dernières années près de Saint Martin Vésubie. Un tentait de se sauver en se cachant à la périphérie du village. Il y laissa la peau comme on dit. L’autre a été tué par un chasseur de chamois. On m’a offert la peau pour quelques francs. Le lynx est particulièrement abhorré par les bergers, car on dit qu’il tue plus de moutons qu’il ne peut en manger. On l’appelle le loup suceur de sang.
Les loups sont encore abondants, mais en été ils se retirent vers des sommets enneigés inaccessibles. Ces dernières années ils ont été repoussés loin de la côte. Je me souviens très bien, quand le facteur n’osait s’aventurer, à certains moments de l’année en haut de la Vésubie au-delà du village de Lantosque qui est à un peu plus de vingt-deux miles au nord de Nice. J’ai vu un homme, il n’y a pas longtemps qui avait des dépouilles de jeunes loups dans un panier. Il les portait dans la vallée pour réclamer la récompense qu’on donne pour la destruction de ces animaux. Le chasseur reçoit douze francs pour un mâle, quinze à dix-huit francs pour une femelle et six pour un jeune. Précédemment le loup mâle ou le lynx valait deux livres sterling par tête et la femelle trois. Une paire de chasseurs, deux frères vivant dernièrement dans la vallée de la Tinée, tuèrent à tous les deux plus de cent cinquante loups et pas loin de cent lynx. Dans les dures époques de chasses, où ces hommes étaient habitués à survivre ils finissaient à ressembler au loup.
C’est pourquoi toutes les nations honorent le loup. Il représentait un idéal, et nous honorons toujours nos idéaux. La Louve était la mère nourricière de Romulus ; Lycaon le Roi Loup et impitoyable cannibale d’Arcadie était un des plus anciens rois de Grèce, si ce n’est le premier, car il passait pour être le fils de Pelasgus. Féroces comme étaient les loups, ils furent les fondateurs à la fois de la Grèce et de Rome. Et Alfred le Grand n’était-il pas le fils de Noble Loup. Le troisième évangéliste est saint Loup (?). Je ne mentionnerai pas le héros de Québec (?) ou l’infortuné patriote de 98 ( ?). Le plus grand poète allemand est Wolfgang Von Goethe. Mozart est aussi Wolfgang. Apollon le Roi Soleil était lyceus, rapide et vigoureux comme un loup ce qui fait que son temple fut nommé le lyceum sur les rives de l’Ilissus où Aristote étudia. (Le dérivé d’une racine rusk = lumière est néanmoins plus raisonnable ?). Mais ce n’était pas assez que d’être aussi enclin à verser le sang et aussi impitoyable qu’un loup. L’homme qui pouvait réellement se transformer en loup avait un avantage sur les autres ennemis en lesquels restaient encore quelques traces d’humanité. Les races teutoniques étaient de grands adeptes de cette transformation. Ils atteignaient les plus basses profondeurs de la férocité vorace. Le loup garou on gerolphus était commun au Moyen Age. Gervasius nous assure qu’en Angleterre il a vu fréquemment des hommes changés en loups « vidi frequenter Anglia homines in lupos mutari ». Méfiez-vous des personnes dont les sourcils se rejoignent car c’est considéré comme un signe de loup garou ; en vérité il y a encore beaucoup du loup chez les hommes aux sourcils proéminents ou non. L’insensible indifférence des vivisecteurs pour des animaux sans défense ne peut autrement être expliquée. Mieux vaut être le loup que le renard car contre Raynard la force et le courage prévalent. Isegrim est en tout point moins dangereux. Il y a un proverbe français qui dit « jamais loup n’a connu son père ». Nous sommes informés par des voyageurs en Afrique, Burton et autres, que toute la race noire est encore dans l’âge primitif de la moralité. « Aucun enfant ne connait son propre père » et chaque homme compte les enfants de sa sœur comme ses héritiers. Cette moralité de loup a prévalu chez les Picts, ancêtres des actuels Britanniques du nord au grand scandale de leurs plus respectables voisins, les Scots ou les Irlandais gaeliques. On pense que toutes les races au premier âge de leur histoire assuraient ainsi leur descendance à travers la mère. Les superstitions relatives au loup rempliraient un volume. J’en mentionnerai seulement une. Soyez prudent si vous faites des observations avec un œil aiguisé, quand il y a des loups dans le voisinage, car si un loup vous voit avant que vous ne le voyez, vous en perdrez votre voix. Dans la neuvième églogue de Virgile, Moeris qui était pressé de chanter, présenta cette excuse « Lupi Moerim videre priores » (les loups m’ont vu avant que je ne porte les yeux sur eux). Les jeunes femmes qui ont le trac nerveux, peuvent trouver cette astuce quand l’hôtesse insiste pour qu’elles chantent.
L’ibex (bouquetin) s’il n’est pas exterminé, est tellement rare que je n’en ai jamais vu.
Les chamois viennent en grand nombre chaque hiver à Saint Martin Vésubie. Des fenêtres de l’hôtel à la Madone de Fenestre, on peut voir fréquemment les chamois traçant leur chemin à travers des rochers vertigineux. Cet endroit est un lieu idéal pour les hommes qui prennent un sauvage plaisir à tuer cette créature belle et sans défense. La partie la plus haute de la vallée de Fenestre, bien que géographiquement en France - en fait elle est absolument coupée de l’Italie durant huit à neuf mois de l’année - appartient politiquement à l’Italie. On m’a dit que lorsque des chasseurs des villages français font des intrusions dans cette vallée à la poursuite des chamois, les gardes-chasse italiens, s’ils les attrapent, ne se limitent pas toujours à confisquer leurs fusils. On pourrait bien s’occuper rudement d’un braconnier solitaire dans ces contrées. Un homme qui tenait un hôtel à Saint Martin Vésubie avait un chamois si bien apprivoisé qu’il grimpait sur ses épaules. Un jour il entra dans l’église par une fenêtre ouverte pendant un office. Quand l’animal jouait, il baissait la tête de façon à présenter les bouts pointus de ses cornes recourbées contre un ennemi imaginaire et puis donnait un rapide et soudain coup vers le haut. Un jour, un journal fut d’un seul coup taillé en pièces. Si, utilisées de cette façon contre un autre animal, que ce soit un loup ou un mâle rival, ces cornes en crochet peuvent infliger de terribles blessures. On dit que le chamois mange pendant l’été une grande quantité d’une plante qui pousse dans les régions alpestres. Elle ne se mélange pas avec les autres nourritures et éléments digérés mais forme une masse compacte qui reste dans l’estomac de l’animal jusqu’à l’hiver, où elle sert de réserve en l’absence d’autre nourriture. Les chasseurs appellent cette petite plante aromatique, le genepy. J’ai réussi à en obtenir un échantillon et j’ai trouvé qu’elle est de l’espèce Artemisia (A. mutellina, voir la Flore de Gillet et Magne). Les gens de l’endroit attribuent des propriétés intéressantes à cette petite herbe. Je crois qu’en certains endroits de Suisse le terme genepy s’applique à Achillea »
Commentaire sur les animaux
En 1890, d’après l’auteur il semble que la présence du sanglier était rarissime alors que maintenant il est partout.
Le lynx est très furtif et si l’on croit ce qui est dit des deux frères chasseurs, il devait être assez abondant dans le courant du dix-neuvième siècle.
Il a fait l’objet d’une étude d’A. Krammer dans la gazette des grands prédateurs N° 36 de juin 2010
Le loup, assez courant au dix-neuvième siècle, a été complètement éradiqué au vingtième avant son retour et son expansion progressive actuellement.
De son côté G.Casalis () notait sa présence à différents endroits dans les années 1840 sans donner de chiffres.
Ce dictionnaire a été composé entre 1833 et 1856
Le bouquetin que l’auteur n’a pas pu voir, est maintenant bien implanté dans le Mercantour.
Le chamois est lui aussi bien implanté. En ce qui concerne la nourriture, Casey fait illusion au rumen de l’animal.
L’ours n’est pas mentionné
Commentaire sur le mythe du loup.
« triste lupus stabulis ». Cette phrase est extraite d’un texte de Virgile dans Eglogue III, traduit par « l’étable craint les loups »
Lycaon : chien sauvage africain. Dans la mythologie grecque roi d’Arcadie fils de Pelasgus et de Mélibée
En ce qui concerne l’évangéliste, l’auteur a peut-être fait une confusion avec le lion de Saint Marc.
Alfred le Grand 849-899 roi du Wessex en Angleterre était le fils d’Aethewulf, d’où peut-être le rapprochement qu’a fait l’auteur avec le loup (wulf ou wolf le loup)
Apollon fut qualifié de lyceus du fait de sa mère Leto qui fut confrontée aux paysans de Lycie
A propos de Gervasius, Ronsard dans l’hymne à Saint Gervais et Protais, odes 1550, écrit ces vers :
« Ce jour l’ouaille audacieuse,
Erre en les troupes gracieuses
Des loups et si n’a crainte d’eux »
Isegrim personnage mythique : le caractère du loup dans l’épopée Reynart
Note:
Voir aussi: "un regard anglais sur la nature niçoise" "Riviera Nature Notes" par Jean Michel Bessi - le Sourgentin N° 236 avril mai 2019
Bibliographie
Casey, George Edward Comerford,
Riviera notes – a popular account of the more striking plants and animals of the Riviera and the Maritime Alps
Nice 1893 Galignani’s Library
Manchester 1898 Labour Pres Limited
Bernard Quaritch – 15 Piccadilly – Londres 1903
https://archive.org/details/rivieranaturenot00caseiala
Casalis G. Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere , Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro
Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie