digue du var

 

LA FONTAINE DE JARRIER 06390 La Pointe de Contes

 

Roger et Mimine Lacan (), Raoul Barbès

Mise à jour mars 2018 

Entre la Pointe de Contes et le col de Nice sur la route de l’Escarène se trouve un lieudit au carrefour de la route de Blausasc qui figure sur la carte au 1/25000  ème sous le nom « Fontaine de Jarrier ».

Par suite de l'élargissement du carrefour les lieux ont été très modifiés mais des maisons subsistent encore

Le  premier texte en italique qui suit est un extrait traduit d’un guide édité en Anglais à Londres par Augustus O.Hare () vers 1890.

Celui-ci a édité d’autres ouvrages, notamment « l’hiver à Menton » en 1862 et un site Internet lui est consacré.

 « Près de là (l’Escarène) se trouve aussi la fontaine de Giallier, où Lady Bute voyageant sous le Premier Empire, fut attirée dans une embuscade, par une bande de brigands bien connus, après une poursuite et fut volée de ses diamants et autres valeurs ».

Il s’agit probablement de la fontaine de Jarrier à la Pointe de Contes, au départ de la route de Blausasc.

« Lady Bute avait avec elle une bouteille d’opium, qu’elle utilisait à titre médicinal, et les voleurs la prenant pour une liqueur en burent. Bientôt envahis par le sommeil, ils s’allongèrent dans un champ de blé où ils furent pris par les gendarmes. On découvrit que de nombreux membres des meilleures familles de Nice faisaient partie de la bande et vivaient généreusement de leurs méfaits invitant même des autorités non soupçonneuses à leurs banquets.

La réalité fut moins romanesque. En effet, Guillaume Boréa (), a étudié cette affaire qui s’est déroulée en mai 1815, en s’appuyant probablement sur les données du procès qui s’en est suivi. Ce document a été analysé et résumé par Hervé Barelli () page 54 à 57. On connaît ainsi les noms des participants et leur surnom, le détail du projet et son exécution, le récit de l’attaque, la poursuite et la capture de certains membres, leur jugement et la pendaison qui en est résultée pour certains en juin 1815.

D’après ce récit la marquise de Bute (ou Lady Bute) était passée à cheval avec d’autres personnes avant le convoi et était arrivée sans encombre à l’Escarène.

Après leur forfait, et la contre attaque des autorités aidées par les riverains, les bandits essayèrent de fuir vers les flancs est du Mont Macaron et certains passèrent en France.

De leur côté Jules Eynaudi et Louis Cappatti () page 908, ont publié le texte suivant :

« Une sentence du Senat 1815 – la marquise Françoise de Butler, fille du riche banquier Coults de Londres, qui avait passé l’hiver de 1815 à Nice, quitta notre ville pour Turin le 21 mai à 9 heures, à cheval, accompagnée de personnes également montées. Une heure après, trois voitures appartenant à la marquise, partaient pour l’Escarène, portant deux de ses enfants, cinq de ses domestiques et ses bagages. Le propriétaire de l’Hôtel des Etrangers accompagnait ces véhicules. A la Fount de Jarrié, huit brigands déguisés se précipitèrent sur le convoi. Les voyageurs durent se coucher sur le chemin le ventre à terre, pendant que les bagages étaient fouillés. 60000 francs, une caisse contenant des bijoux, en tout une fortune de 300000 francs fut emportée avec quelques bouteilles de rhum, dont s’abreuvèrent copieusement les criminels, ce qui permit à la justice bientôt alertée de retrouver cinq des coupables. Trois d’entre eux furent condamnés à mort, par sentence du Sénat, le 9 juin 1815, qui ordonna la décapitation des brigands avec exposition de deux têtes sur la fourche patibulaire et de l’autre sur un poteau planté au lieu du crime. La tête fut en effet placée, dit A.Cauvin, sur la pointe d’un poteau au bord de la route, du côté du vallon. On dit que la barbe crût de deux doigts ; mais comme ce spectacle faisait peur aux passants, surtout aux femmes  et aux enfants, un temps écoulé, deux Sclossois renversèrent le poteau. La tête alla rouler dans le vallon où elle resta, sans que personne n’y touchât ; les eaux finirent par l’emporter.

Trois des bandits auraient été pendus à la Fous  du Paillon;

Ces récits se recoupent avec quelques variantes. Mais on peut observer qu’en 1815 il y avait encore des pendaisons mais égelement une exposition aux fourches patibulaires dont l’emplacement n’est pas précisé dans le récit.

Voir à ce sujet: gibets_piloris_potences

Dans une grotte sur la base du Mont Macaron mais côté  ouest, vers Tourrette Levens, ont été trouvés des noms soigneusement gravés, mais dont aucun ne correspond à ceux cités dans l’affaire. Ce sont sauf erreur de lecture : BODOMA,  CAVI,  SAS,  JU…

           Voir à ce sujet : abris-sous-roches

Gravures de la Grottte 38 B à Tourrette Levens.

 

L’anthroponyme BODOMA n’a été retrouvé qu’au Congo.

On peut cependant se demander si cette grotte n’a pas servi à des bandits lors d’autres attaques.

Par ailleurs un abri sous roche au lieudit Fournas à l’ouest du col de Chateauneuf a une meurtrière. Etait ce un repère de bandits ?

 

Felis Blanchi () page 18, a écrit en niçois au sujet de la fontaine:

« Trapassan vilage e amèu e arriban lèu au pèn de la puada, à la Fouont de Jarrié. Li mountagna si soun coustrechi e noun laisson plus passà que lou camin e lou valoun doun sauta una aiga fresca.

La Fouont de Jarrié ! Couma souna clar e gai aquéu noum dou bouon oste que v’espara sus l’orle dou camin ! E couma v’assetas me plesi souta la souca que, devans la pouarta, li fa una tènda de fuèilha traucada dou soulèu ;

Fenida la sousta – lou tèmp de faire béure lu cavau e d’estacà una bèstia de ranfouort, la « treina » - si reparte. Agantan li revouta de la puada »

«Nous dépassons villages et hameaux et arrivons bientôt au pied de la montée à la fontaine de Jarrier, les montagnes se sont ressérées,  et ne laissent plus passer que la route et le vallon où saute une eau fraîche.

La fontaine de Jarrier, comme ce nom sonne clair et gai, ce nom de la bonne auberge qui vous attend en bordure de la route. Et comme vous vous asseyez avec plaisir sous la vigne qui devant la porte lui fait une tente de feuillage percée par le soleil. »

Le repos achevé, le temps de faire boire les chevaux et d’atteler une bête de  renfort « la traine » on repart. Nous atteignons les lacets de la montée.

Traduction Charles Malausséna () page 23

 

Voici quelques souvenirs qui ont pu être recueillis sur cette fontaine et son environnement datant du début du XXème siècle  auprès de Roger Lacan et son épouse.

Il y avait effectivement une fontaine à cet endroit et deux auberges sur le côté gauche de la route en montant. C’était un relais pour les chevaux mais aussi un lieu commerçant.

On pouvait notamment y acheter de la chaux vive. L’auberge la plus en aval étant dénommée fontaine de Jarrier et la plus en amont « chez Tanin ». Ce dernier nom viendrait du métier de tanneur car près de cet endroit il y avait une sorte de mare artificielle pour recueillir l’eau et tanner les peaux, de vaches principalement.

Les deux frères s’appelaient Rumulus et Sylvère Ellena.

L’auberge la plus en aval était la plus importante.

L’eau était captée dans le vallon de Desteil  où se trouvait une source importante sous la Vernéa de Contes ; elle avait été canalisée et se déversait par une conduite supportée par une fourche à 1.50m de haut. Dans la mare il y avait des truites et des sacs  de morue salée. Il y avait aussi une immense « tina » ou bac pour abreuver les chevaux. Plus tard l’auberge  aval  a été déménagée dans celle d’amont.

Le nom de Jarrier viendrait de deux frères qui étaient châtelains et dont le château construit sur la rive gauche du vallon  (côté Blausasc) se serait effondré. Quelques vestiges seraient encore visibles.

Les habitants de Blausasc s’approvisionnaient en eau  à cette fontaine.

Il y avait aussi à flanc de colline  côté Blausasc, un sentier qui rejoignait au pont de Peille une petite route pour se rendre à Borghéas.

La maison qui se trouve plus haut sur la gauche en descendant de l’Escarène, s’appelait « la Pose » ou la « Garde ». C’est ce dernier nom qui figure sur la carte au 1/25000ème. C’était aussi un relais pour les diligences. Cette maison pouvait toujours contenir quatre chevaux ou mulets. Elle avait été construite par André Peirani qui  avait des diligences qui allaient jusqu’à Turin. La ligne Nice – Coni selon un article de Nice Matin () aurait été créée en 1860

 Sosthène Peirani, son fils, puis son petit fils Jean  et leurs descendants assurent toujours le service régulier des cars entre Nice et l’Escarène plus des excursions.

On peut citer un certain nombre de relais depuis Nice, place saint François, (photo Gargano), la fontaine de Jarrier, l’Escarène 14 rue du Château et garage 1 rue du Château, Touet de l’Escarène, le Col de Braus, le col de Perus (fontaine de Bell’Aqua), le col de Brouis, le quartier Nougaret avant la Giandola près de Breil, etc…

 

On peut espérer aussi retrouver des photos anciennes sur les diligences et les relais de poste et d’autres textes sur les attaques de bandits

Note sur la Marquise de Bute

Elle était la fille de Thomas Coutts, seconde épouse de John Stuart  (30 juin1744 - 16 novembre 1814). Le mariage a eu lieu le 17 septembre 1800. Ils ont eu deux enfants Lady Frances Stuart mariée en 1823 décédée le 29 mars 1859, et Lord Dudley Coutts Stuart (11 janvier 1803 - 17 novembre 1852) qui s'est d'ailleurs marié avec la fille de Lucien Bonaparte. Elle est décédée le 12 novembre 1832.

A l'époque de l'attaque, elle était donc déjà veuve et les enfants encore très jeunes.

L'ile de Bute se trouve en Ecosse.

La Marquise a t-elle laissé un récit de son voyage?

Bibliographie

Barelli Hervé, Le crime de la Fuont de Jarrié, Nice Historique 1996 page 54 à 57

Bessi Jean Michel - Sourgentin  N° 216 avril 2015

 

Boréa Guillaume, Le crime de Fuont de Jarrié, Imprimerie du Commerce, Nice 1914

 

Blanchi Felis,  Lou Caireu -  11 -  Niça San Souvestre 1930

Eynaudi Jules et Louis Cappatti - Dictionnaire de la langue Niçoise- Academia Nissarda janvier 2010

 

Hare AJC, South Eastern France, George Allen 8 Bell Yard, Temple Bar London, and Sunnyside Orpington

 

Lacan Roger, Mounta Cala et diligences, Sourgentin N° 88, septembre octobre 1989, pages 12 et 13

 

Malausséna Charles, l’Escarène, Sourgentin N° 71, avril 1986

 

Nice Matin,  Samedi 14 août 1971