digue du var

 

NICE-TENDE EN 1792 PAR MARIANA STARKE     

Mise à jour décembre 2016

 

Lettre 1

Nice septembre 1792

 

Comme vous désirez une description de cette Chaîne des Alpes  qui semble désignée par la nature pour protéger l’Italie de ses voisins gaulois, je vais vous envoyer un petit compte rendu de notre dernière excursion à travers ces montagnes vers Genève.

Nous avons commencé notre voyage fin Mai en payant pour les six chevaux qui trainaient notre voiture anglaise vingt-huit Louis d’or de Nice à Turin tout en supportant nos propres dépenses dans les auberges qui se sont montées à un couple de couronnes par jour pour diner et trois pour souper et le lit. Nous étions quatre en dehors de notre cocher qui se chargeait de lui-même.

Après avoir roulé environ cinq miles sur les rives du Paillon, nous avons commencé à faire l’ascension de la montagne de l’Escarène par une route parsemée de rochers et rendue au moyen de vastes et innombrables passages sur voutes, aussi douce et sûre que les grand-routes d’Angleterre. Des murs sont construits sur les bords de chaque précipice de sorte que cette route semble être un pont continu de rocher en rocher. Après une ascension d’environ trois heures nous avons atteint le village de l’Escarène où se trouve une auberge confortable.

Là nous avons diné  puis continué vers Sospel. Après avoir voyagé pendant deux heures et demies dans une montagne composée de marbre rouge gris et blanc, la route ci-dessus décrite n’est faite que de zigzags et quelquefois les virages sont serrés, nous avons atteint le sommet, qui nous a permis d’avoir une vue sur Sospel à nos pieds et à moins d’un mile de distance à vol d’oiseau, encore que l’Alpe sur laquelle nous étions était si élevée qu’il nous a fallu neuf miles pour aller de là à Sospel. Ce village est bâti sur les bords du Paillon (note : faux, la Bévéra) au milieu des Alpes. Il y a là deux auberges, passables dans une desquelles nous avons dormi et le lendemain suivant nous avons fait l’ascension de la montagne de Sospel  qui est plus haute que celle de l’Escarène. C’est pourquoi nous avons trouvé la route plus merveilleuse que le jour précédent, roulant entre d’immenses rochers de marbre dont on a fait exploser certains à la mine  pour permettre aux véhicules de passer.

Près de Sospel se trouve un ancien château roman, mais ce qui semble extraordinaire  c’est que la vieille route romaine à travers les Alpes maritimes ne se voit jamais. Après une ascension d’environ trois heures nous avons atteint le sommet de la montagne et puis sommes descendus en une heure à la Chiandola (Giandola), village romantique situé au bord d’un torrent qui fait un bruit de tonnerre et également agrémenté de cascades jaillissant de rochers déchiquetés de quelques mille pieds de haut. Nous avons diné à la Chiandola où l’auberge est passablement bonne et puis continué vers Tende.  Décrire le route entre cette ville et la Chiandola  est impossible aussi je ne peux pas raconter grâce à mon imagination le spectacle tel que nous l’avons vu. Tout ce que je peux dire c’est que nous avons grimpé graduellement le long d’un magnifique torrent qui, se ruant impétueusement à travers d’immenses blocs de marbre, offre lui-même une variété sans fin de cascades. Pendant que de prodigieux rochers à travers lesquels la route est percée dans leur immense hauteur, des formes grotesques  et couvertes de verdure, ajoutent à la beauté des chutes d’eau dont elles sont parées et présentent les plus magnifiques passages que la main magistrale de la nature a jamais formé. Au pied de ces falaises nous avons voyagé pendant un nombre de miles considérables à travers des montagnes dont l’œil ne peut atteindre le sommet quand soudain nous avons vu suspendu en l’air (comme cela nous est apparu), un grand château fortifié (note : probablement Mallemort) et peu après un virage, nous avons découvert la ville de Saorge construite en forme d’amphithéâtre et apparemment suspendue entre ciel et terre.

La forteresse de Saorge commande complètement le chemin qu’on vient de décrire.

Pendant que la partie basse des rochers présente des bois de châtaigniers tellement majestueux pour des voyageurs anglais,  que cela parait également beau et extraordinaire. Après cela il y avait la présence continuelle de couvents d’ermitages (note : Saint Dalmas ?), des restes de châteaux, de vieilles routes pavées romaines (causeys : voir note) jusqu’à notre arrivée à Tende  qui est située sur une Alpe immense  du même nom qu’on estime à huit mille pieds de haut et au sommet de laquelle passe la route.

Tende est une ville d’aspect lugubre ressemblant à ce qu’un poète pourrait peindre comme la fin du monde

 « You shalt proceed no further »

L’auberge à cet endroit est une masure minable qui a à peine une fenêtre, pas de salle commune, excepté  celle qui sert pour les postillons, les porteurs, les gentlemen, la volaille et les porcs.

Ici, cependant, nous avons  entrepris de dormir et nous n’étions pas plus tôt  sortis de notre voiture que le Directeur de la montagne et le Commandant de la ville  vinrent tous deux vers nous, désirant que nous prenions le chemin du Col de Tende le lendemain tôt le matin car à midi, généralement, le vent se lève de façon très désagréable pour les voyageurs. De ce fait à huit heures nous nous sommes installés après nous être prémunis  du froid par des chapeaux de  fourrure, de grands manteaux chauds, et des demi-bottes doublées en peau de lapin.

Un de notre groupe étant invalide, fut transporté par huit porteurs dans une chaise fermée (la seule de la station) et qui avait été donnée par la Duchesse Dowager de Lancaster (voir note). Cette chaise toutefois n’avait pas de fond, circonstance très désagréable car lorsque les porteurs se reposent, la voyageur est posé sur la neige, mais cet inconvénient ne peut vraiment être évité car si les chaises avaient des fonds elles seraient trop lourdes pour les porteurs et par conséquent dangereuses lors de soudaines rafales de vent.

Le reste de notre groupe monta sur des mules  ou des chaises ouvertes portées par six hommes, pendant que notre voiture  était conduite à vide à travers la montagne par les chevaux des voituriers, et nos bagages portés par des mules. Il nous a fallu trois heures  pour faire l’ascension du Col de Tende et une heure un quart  pour descendre. Le chemin qu’on nous a  fait prendre était raide mais sûr et plus court que la route carrossable; les vues sont pittoresques et embellies par des cascades audacieuses. Quand nous avons parcouru trois quarts de la montagne,  cela devint froid et à ce moment nous nous sommes rendu compte  avec le brouillard que nous étions dans les nuages. En atteignant le sommet nous nous sommes trouvés considérablement au-dessus et là le froid était à peine supportable. Le sommet de cette montagne est fait de roches stériles et de là nous avons remarqué des Alpes encore plus élevées et à nos pieds le village de Limone, situé dans une vallée prospère, à travers lequel se rue un torrent alimenté par la neige du Col.

Comme notre voiture a mis huit heures pour passer le Col, nous fumes obligés de dormir à Limone où il y a  cependant une auberge acceptable.

La route décrite ci-dessus a été faite aux frais du présent Roi de Sardaigne et achevée en 1785, et elle peut certainement rivaliser, si elle ne la surpasse pas, avec l’ancienne voie romaine en termes de magnificence.

 

Notes:

 

Causey: Middle English: cauci, from Anglo-French: causee, chaucee, from Medieval Latin calciata paved highway, probably from Latin calc-, calx limestone — More at chalk
First known Use: 14th century

 

Bibliographie

 

Letters from Italy between 1792 and 1798 containing a view of the Revolution in that country from the capture of Nice by the French Republic to the expulsion of Pius VI

The ecclesiastical estate by Mariana Starke in two volumes

London R Philips N° 71 ST Paul’s church yard