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La Tour du Suquet ou tour de la Castre à Cannes 06400

Mise à jour février 2024

 

 Charlotte Hawkins () a mentionné deux fois cette tour, mais elle ne cite pas ses sources

.

Elle a vécu longtemps à Cannes au XIXème siècle

 Elle indique que la construction de la tour a commencé pendant le mandat de l’abbé Aldebert II Abbé de Lérins. Cannes dépendait alors de Saint Honorat

Sur Wikipedia on trouve des notes sur cette tour et il est indiqué que le début de la construction a eu lieu vers 1080

Charlotte Hawkins mentionne que la tour a été détruite en 1875 par la foudre et qu’elle avait été endommagée en 1786 et 1796. Wikipedia ne donne pas de détails sur ces accidents ni sur la date de la dernière reconstruction.

La chronologie de C Hawkins s’arrête en 1884.

Selon Christophe Roustan Delatour, directeur adjoint à la mairie de Cannes, une note a été rédigée en 2019 par Nicolas Faucherre d’Aix Marseille Université et suivie d’une fiche technique (ci-jointe)

On dit à Cannes « tour de la Castre », afin d’éviter toute confusion avec le clocher de l’église ND-d’Espérance et les vestiges d’une autre tour du château, dite « de l’Abbé ».

Pour l’instant il n’a pas été trouvé d’informations sur la destruction par la foudre en 1875, Selon C.Roustan Delatour, les destructions les plus visibles sont celles des années 1820. Nicolas Faucherre note que la démolition des créneaux et d’une partie des machicoulis a eu lieu en 1823.

La date de début de construction de la tour est débattue. Fabien Blanc Directeur du service archéologique de Nice l’envisageait « tôt », dernier quart du 11e siècle, tandis que le professeur Faucherre penche pour le tout début du 13e siècle.

Note de Nicolas Faucherre :

On a repris le dossier, avec celui de la chapelle castrale, en compagnie d’Andreas Hartmann-Virnich et de Dylan Nouzeran, qui a réalisé les dessins d’élévation ; nos conclusions diffèrent quelque peu de celles de Fabien Blanc. On publiera une actualité pour le Bulletin monument.

 

 Mairie de Cannes

Note sur la tour de la Castre, Cannes

 

Nicolas Faucherre (AMU)

 

Non diffusable sans l’autorisation des musées de Cannes

 

Le château de la Castre, mentionné dès 1131, occupe une éminence de gneiss (conglomérat volcanique rouge) de 40 m d’altitude, la colline du Puy ou du Suquet, s’avançant dans la mer et couvrant une anse, poste d’observation privilégié pour la surveillance des côtes avec le monastère de Lérins et Antibes. Le château était enveloppé au nord et à l’est par le bourg fortifié dont subsiste une porte avec l’église paroissiale moderne; le jardin de l’abbé d’un côté, le bourg ancien de l’autre, s’étageaient dans la pente orientale de la colline jusqu’au port.

Le château forme un plan en « U » tourné à l’est, dont le centre de la cour est occupé par la grande tour, l’aile nord par la chapelle Notre-Dame du Puy (aujourd’hui Sainte-Anne) et l’aile sud par l’ancien logis. Directement posé sur le substrat rocheux, le château bénéficiait d’un accès direct à l’eau par le biais d’un puits-citerne.

 

Façade ouest

La grande tour (classée au titre des MH le 28 juillet 1937) de 7,50 m de côtés pour 21 m de haut, est construite en grand appareil de pierres calcaires en bossage rustique (c’est à dire que le centre du bloc est laissé en saillie et brut, pour dévier les coups et accrocher la lumière), avec porte au nord.

Les 72 lits (= niveaux) de pierre qui forment le parement de la tour sont marqués par une diminution du calibre des blocs et la disparition du bossage en partie haute, ce qui a fait croire qu’elle aurait pu être construite en deux périodes.

Sur sa face Ouest, on note cinq niveaux (l’inférieur est bouché) de deux trous de boulins (pour placer les poutres de l’échafaudage) espacés toutes les 10 assises (= 3 m) ; ils constituent très probablement le support de la grue de chantier en cage d’écureuil ayant permis le levage des blocs.

Dans les conflits qui opposent à la fin du XIIe siècle l’abbé de Lérins, le comte de Provence et l’évêque d’Antibes, la tour pourrait être l’œuvre de ce dernier, avec les mêmes équipes que celles qui ont réalisé les deux tours urbaines d’Antibes, autour de 1208, compte tenu des similitudes constructives (échafaudage, escalier intérieur à double marches superposées) entre ces trois tours jumelles.

 

Étage d’accès

 

La seule porte, sous tympan monolithe (pierre arrondie sur le linteau), est surélevée et exceptionnellement étroite (66 cm), pour sécuriser l’accès ; elle était accessible par une échelle amovible (cf. corniche sous seuil) ou par une galerie de bois, qui expliquerait l’absence de bossage en bande sur cette face nord.

La tour est composée de trois niveaux voûtés en berceau plein cintre (c’est-à-dire en demi-cylindre) s’inversant pour une meilleure stabilité, un sous-sol (prison ?) et deux étages desservis par un escalier en pierre s’enroulant autour de la pièce et traversant la voûte. D’un étage sur l’autre, la hauteur sous voûte augmente d’1 m, tandis que l’épaisseur des murs diminue de 30 cm. Les deux étages ont été recoupés à la Renaissance par des voûtes d’arête en brique.

Les murs et les escaliers sont appareillés en blocs calcaire à joints fins tirés au fer (c’est à dire que le joint de mortier est souligné à la truelle) ; les voûtes, reposant sur une corniche aux niveaux inférieurs, sur une retraite du mur au niveau supérieur, sont maçonnés en tuf orangé poreux, matériau plus facile à tailler et beaucoup plus léger que le calcaire froid. L’escalier, subsistant seulement à ce niveau, est caractérisé par des marches composées de deux blocs superposés pour en soulager la saillie, l’inférieur débordant de 45 cm et le supérieur de 90 cm, assurant ainsi une volée confortable ; ce dispositif, identique à celui des tours d’Antibes), permet de garantir l’intervention d’un maître d’œuvre commun pour les trois tours.

 

Étage supérieur

 

Ce niveau a été entièrement transformé et réaménagé au cours des temps, ce qui rend complexe son interprétation : l’escalier primitif a été arraché, une voute de brique a été rajoutée puis détruite, la grande fenêtre ouest a été repercée, la tour a été couronnée au XIVe siècle de mâchicoulis, qui ont été supprimés au début du XIXe siècle, entraînant une reprise générale du couronnement. L’archéologue Fabien Blanc, qui a fait l’étude de la tour, a identifié à ce niveau sept mortiers différents correspondant à autant de reprises.

A 3 mètres de hauteur, une assise de grand appareil (40 cm de hauteur) court tout autour de la pièce ; elle correspond très probablement au remploi de blocs antiques, comme l’attestent des fragments d’une inscription latine.

Le seul aménagement de confort attesté pour toute la tour — puisque les fenêtres sont toutes recalibrées sauf les étroits jours en archère subsistants plus bas — serait le probable conduit de cheminée bouché en brique visible dans le mur nord. Faut-il pour autant qualifier l’ensemble de tour-résidence ? De toute évidence non. Le logis à son pied remplit cette fonction. Et l’espace interne y est trop exigu, ne serait-ce que pour la place d’un lit et d’aménagements de confort. La tour affirme une présence symbolique par l’affichage de son appareil guerrier, peut servir de réduit en cas d’attaque, mais surtout d’observatoire, de relais optique et d’alerte (trompe, feu) pour signaler des voiles hostiles sur la mer.

Bibliographie

Charlotte Louisa Hawkins Dempster - The Maritime Alps and their seabord Longmans Green and Co – London 1885

https://archive.org/details/maritimealpsthei00demp