Point du Ramingao à Roquebrune Cap-Martin

ETHNOLOGIE SELON HAWKINS

Mise à jour 8 juillet 2021

 

Charlotte Dempster Hawkins - Ethnologie : extraits page 40 et suivantes

 

 

« …en montant dans les collines je reconnais une prédominance du type celtique. Les enfants ont les yeux bleus et les hommes plus âgés qui vont et viennent ressemblent tellement à la paysannerie des Highlands en Ecosse qu’ils pourraient à peine passer pour des étrangers à Strath Oikelon ou Strath Conan.

Comme nous avons vu des vieilles femmes au lavoir d’Antibes auxquelles nous avons donné le nom de X, Y, Z, tellement elles ressemblaient à nos vieilles petites fermières de Sutherland avec les lèvres relevées, les figures courtes et les foulards pliés qu’elles semblent leur avoir empruntés. A juger par leur apparence, quelques-unes de ces femmes vivent jusqu’à un âge élevé.

Desséchées et fripées comme des ceps de vigne, c’était un trio qu’on aurait pu voir prenant le soleil aux terrasses du Cannet.

Nous avons baptisé ces pauvres femmes de sorcières, mais le travail sous le soleil est si dur et le profit des légumes si petit que X, Y, Z, n’étaient peut-être pas si âgées qu’elles ne le paraissaient.

Quand le temps est mauvais, les hommes portent des longs manteaux ouverts à la ceinture des pantalons aux genoux et une veste pliée sur l’épaule gauche.

A Mougins il y a beaucoup de beautés, mais c’est rare dans les Alpes Maritimes excepté parmi les paysannes de la Brigue où c’est la règle plutôt que l’exception. Les jeunes brigasques ne sont ni grandes ni petites mais ont des figures élancées, qui, à part la perte précoce de leurs dents, durerait au-delà de la période classique de la beauté du diable. En vérité, nous avons noté parmi elles des têtes pittoresques non seulement frisées mais pleines de charme telles que le Corrège n’aurait pas négligé comme modèles. Leur chevelure ondulée ou bouclée est tenue en bas et serrée dans un large ruban de velours qui constitue une jolie et même élégante coiffure. Un petit corsage bleu ou vert souligné avec du rouge, un sombre corsage et un foulard coloré plié en deux bandes étroites à travers la poitrine complète le costume. Ces paysannes semi-italiennes sont riches en général, des gens à l’aise, qui se louent à Nice et Cannes l’hiver, mais qui durant l‘été retournent à leurs fermes de montagne. C’est une étrange communauté de liens dans une famille et toutes les familles sont unies par le mariage mais les femmes ne se marient pas très tôt.

Elles sont calmes et affectionnées, restant huit à dix ans dans la même famille anglaise.

En fait je les préfère comme employées car parmi les personnes natives de Nice et Cannes il est très rare de trouver des qualités qui conviennent au service domestique.

Les mariages dans la paysannerie et dans la classe moyenne sont arrangés ici par des accords ou sous le système de communauté de biens. Mais par un reste de mœurs orientales qui subsiste en Provence, les femmes de la famille n’espèrent pas manger à table avec les Seigneurs de la Création et si elles sont présentes on pense que les bonnes manières pour elles sont de s’asseoir ensemble et comme si c’était « below the salt ». Mais elles soupent ensemble les jours de fête et par exemple la veille de Noel pour manger le pan de calende, un cake épais coloré avec du safran dont l’énorme disque rond était probablement fait et mangé en l’honneur de Diane avant l’ère chrétienne.

Le romerage du village ou la veillée est aussi un temps pour manger et boire et échanger des potins au grand air. C’est ce jour-là que les meilleurs costumes et les boucles d’oreilles font leur apparition et qu’on entend le galoubet et le tambourin. Ce dernier est un tambour étroit et long, d’environ un pied de large et deux pieds et demi de haut que le joueur tient entre ces les genoux. J’ai entendu un homme jouer de son instrument de vieux airs dont on voudrait savoir le nom et l’auteur. Mais le clergé n’approuve pas les danses qu’ils entrainent, le temps du romerage évoquant de vieilles habitudes et des allusions paiennes plus portées à la transgression qu’à l’observance. Les paysans des arrondissements de Nice Grasse et même Puget Théniers sont riches.

Pour trouver de très pauvres villages, vous devez monter dans les petits pays de l’Estéron et la Tinée. Mais qu’elles soient riches ou pauvres, les populations ne se préoccupent pas de travailler pour des étrangers. Toutes sortes de boissons alcoolisées sont maintenant à la mode et comme le vin devient chaque jour plus rare, la population à la fois masculine et féminine est remarquablement moins sobre que par le passé. La Caisse d’Epargne est cependant le bon ange de la région, et la promesse d’une nouvelle et meilleure époque pour un peuple qui ne connaissait pas d’autre ami que le Mont de Piété. La Caisse d’Epargne de Grasse a vingt mille livrets et est la plus honorable car du fait des ouvriers des usines et l’augmentation de leurs salaires, les propriétés terriennes perdent de la valeur. L’arrondissement de Grasse a perdu en dix ans, quarante mille francs du fait de la ruine de ses oliviers et n’est pas près de compenser sa perte. Le peu d’huile qui est maintenant produit n’est pas d’un meilleur prix de sorte qu’il est évident que les huiles minérales vont supplanter sur le marché les grossières huiles du pays qui servaient précédemment pour les lampes et les machines. De nombreux petits propriétaires terriens sont en conséquence anxieux de quitter leur terre.

Une fois que le Maitre d’école du village et sa sœur ont vendu, ils vont procéder à l’achat de parts dans quelque société foncière ou immobilière et vont probablement perdre tout leur argent. Leurs petits voisins vont aussi vendre mais alors ils montent à Grasse dans les usines de parfums. Hommes femmes et filles trouveront tous un emploi où le travail est mieux payé et Jean vivra « à la carte » au lieu de crever de faim sur les salades de sa petite ferme.

Le commerce du parfum est populaire et comme les poteries, semble avoir le futur dans ses mains dans les Alpes Maritimes.

 

Note : Le travail de M Clement Massier à Golfe Juan procure du travail à divers artistes et à cent vingt employés. Ce sont des modeleurs, sculpteurs, graveurs, émailleurs, peintres, broyeurs et employés aux fours outre les coupeurs de bois et porteurs d’eau, emballeurs et menuisiers. L’approvisionnement en argile est inépuisable et M Massier grâce à son gout et son énergie a donné une grande impulsion au travail dans le pays

 

Bibliographie

 

 

Charlotte Louisa Hawkins Dempster - The Maritime Alps and their seabord

Longmans Green and Co – London 1885

Chapitre XII, page 41et suivantes

https://archive.org/details/maritimealpsthei00demp