Oliviers du Comté de Nice suivant le dictionnaire de Casalis


  

Mise à jour janvier 2017

Pages 720 à 725

 

" Nous donnerons avec quelques détails les notions  principales relatives à l’olivier car  elles forment la richesse principale de Nice et des pays environnants. La zone de l’olivier s’étend jusqu’à 24 miles et même 30 miles à l’intérieur de la province et jusqu’à une altitude de 200 à 600 mètres au-dessus du  niveau de la mer. Malheureusement cette richesse est très précaire : la saison où l’arbre porte des fruits, le long espace de temps qui reste, les intempéries, les maladies qui l’affectent, et singulièrement les dégâts dus à un insecte, dont on parlera ci-après, font que les années d’abondante récolte  ne se reproduisent qu’à des intervalles de cinq à six ans.

Les variétés de cet arbre sont nombreuses.

L’oleaster, c’est à dire l’olivier sauvage  est généralement l’espèce primitive qui s’est développée ; c’est vers elle que retournent les variétés  quand on en sème les noyaux.  On le considère comme l’origine de toutes les variétés connues. Voici les dénominations selon le dialecte niçois. L’olive que l’on cultive le plus généralement ici et qui est considérée comme la meilleure soit par la qualité des fruits soit par  celle de l’huile qu’on extrait est le noustral ou pendouglie, ainsi nommée par la direction de ses branches qui s’inclinent  en forme de saules pleureurs. Le broquenca fournit une huile assez bonne mais son gout est assez insipide. Viennent ensuite les oliviers pignoli  et spagnou. Les fruits du premier sont petits, mais très abondants ; l’huile qu’on en tire est très fine. Cette variété est cultivée massivement  dans les campagnes de la Turbie, Menton et Villefranche ; elle devrait se propager préférentiellement car les olives murissent assez tardivement, et ne sont que rarement touchées par l’insecte  qui détruit les olives.

Le spagnou est ainsi appelé  car il ressemble en tout point à l’olive d’Espagne ; l’olive est très fine mais de gout insipide. En général on donne à Nice le nom de sauvaget à toutes les olives qui ne sont pas noustrals mais il existe ici une variété qui porte  exclusivement ce nom et qui se distingue des autres par son fruit petit, allongé  et par ses feuilles oblongues. On en tire l’huile la plus fine mais  comme elle est peu abondante, l’arbre est peu cultivé. La variété qu’on appelle columbana  qui dérive du grec colymbrides  produit les plus grosses olives ; ses fruits sont destinés spécialement à être salés et conservés dans l’huile. On cultive aussi dans le pays  deux variétés dites poncineri, lesquelles fournissent une huile très douce mais peu abondante.

 L’olivier pousse ici très bien dans tous les terrains sauf dans les sols marécageux, mais pour avoir un fruit exquis, on préfère pour sa culture un sol léger, même sec et aéré. Il en résulte que les huiles provenant des oliveraies  des collines qui entourent Nice et surtout  des villages montagneux d’Utelle, de Levens, etc… sont considérées comme les plus fines, et quand  elles sont préparées avec le soin qui convient, elles ressemblent à celles d’Aix ; dans les terres fortes, fraiches et épaisses, comme celles de la région de Roquebillière, on voit des olives plus belles et de rendement supérieur à celles des environs de Nice, mais l’huile  n’est pas très fine et légère. On observe encore que  dans les sites où le terrain est sec léger et aéré, le fruit souffre moins du gel. Les oliviers du territoire de Nice occupent en général les flancs et les sommets des collines; ils se cultivent sur des bandes de terrain plus ou moins écartées  l’une de l’autre, ou sans ordre comme dans un verger.

L’olivier peut supporter facilement le froid jusqu’à 6 ou 7 degrés sous zéro, comme le laurier le grenadier, l’amandier ou le myrte. Il ne meurt ordinairement qu’à une température de 9 à 10 degrés sous zéro. Mais les bourgeons et les fruits sont beaucoup plus sensibles au froid ; si le thermomètre marque pendant quelques heures 3 ou 4 degrés sous zéro, principalement après la pluie et la fonte de glace, les fruits gèlent et les bourgeons sont endommagés.

En outre il y a une grande multitude d’insectes et de plantes parasites qui semblent conspirer pour endommager l’olivier et ses fruits. De toutes ces substances organiques,  celle qui cause les plus grands dégâts est le ver ou la larve qu’on appelle  vulgairement  Keiron, peut-être du grec keyron, rongeur que les naturalistes désignent sous le nom de musea oleae, cinipis oleae, stomoxus keironi, quand on le trouve à l’état de mouche ou  d’insecte adulte. Le fameux et méritant Roubaudi, dans son oeuvre d’une très grande précision sur le keyron comme sur les autres insectes très nuisibles pour l’olivier et ses fruits a proposé le plus sûr moyen d’en obtenir la destruction.

Indépendamment de la variété de cette plante très utile, de la nature du sol et de l’exposition du lieu où elle est produite, la qualité de l’huile dépend  essentiellement de la période où se fait la récolte des olives, de leur condition, et de la plus ou moins grande diligence  que l’on met à la séparer de la partie extractive du fruit. L’huile la meilleure selon beaucoup  est celle qui conserve le gout du fruit et qui garde un peu d’amertume; c'est-à-dire celle qui est faite avec des olives qui ne sont parvenues qu’à 5/6 de leur maturité. Afin que cette huile conserve longtemps ses qualités, elle doit être souvent transvasée, c'est-à-dire séparée de la lie, qui se dépose. C’est de cette façon que se prépare l’huile recherchée d’Aix. Certaines fois on cherche à imiter ces huiles au moyen d’une fraude innocente ; on mélange des feuilles d’olivier avec les fruits quand ils sont broyés ; le gout du fruit et le peu d’amertume sont très fugaces et l’huile devient plus facilement rance ; outre la saveur, une des principales caractéristiques de l’huile est sa limpidité ; pour l’obtenir on laisse déposer quelques temps la lie, en ayant soin de transvaser l’huile souvent de  vase en vase ou mieux encore de la filtrer  à travers du coton dans une machine destinée à cet usage. Quand on expédie  dans des pays lointains l’huile en bouteille, cette opération  est absolument nécessaire. La couleur de l’huile varie du vert soutenu au jaune verdâtre, au jaune et au jeune pâle selon le degré de maturité du fruit. Plus il est mûr  moins l’huile est colorée en vert et en jaune.

La différence entre les diverses qualités d’huiles dépend moins de la variété des olives, et de leur maturité que de leur état ; si les fruits sont gelés et piqués  par les vers,  ou si on les a laissé  entassés quelques temps, ils subissent alors une fermentation et l’huile reste de qualité inférieure.

Il y  des propriétaires, principalement  dans les zones de montagne qui se sont aperçus que quand les olives sont entassées, elles se réchauffent et fournissent une plus grande quantité d’huile. C’est un préjudice dont les résultats sont graves ; ceux qui le pratiquent ne réfléchissent pas que de cette façon les olives en se desséchant, diminuent de volume, et qu’une quantité déterminée d’olive produit comparativement plus d’huile  qu’un égal volume  qui vient tout de suite d’être récolté ; ceci advient parce qu’elles sont devenues plus petites, et aussi en admettant qu’elle donnent une plus grande quantité d’huile, ce qui est démenti par l’expérience, on devrait considérer que l’huile fabriquée de cette façon est bien inférieure en qualité  et par conséquent en prix.

Avec une telle méthode nocive, qui se pratique en Espagne, en Corse, en Sicile, et dans certains endroits en Provence, on doit reconnaître l’infériorité des huiles de ces régions. La propreté de la presse et celle de tous les ustensiles destinés à fabriquer et conserver l’huile contribuent évidement à sa qualité ; car de la propriété qu’a ce liquide de dissoudre un grand nombre de corps il résulte qu’il prend facilement un  gout mauvais  et quelque âpreté.

L’huile verte, proprement dite, est celle qui se fait selon la méthode ancienne, en séparant l’olive de son noyau, et en n’exprimant sous la presse  que la partie extractive et pulpeuse réduite en pâte en exprimant les olives sans écraser, le noyau. On prétend que l’huile contenue dans l’amande du noyau et dans le noyau lui-même rend l’olive plus sujette à agressivité, lui communique au fur et à mesure du temps une saveur désagréable et la fait plus rapidement devenir rance. Mais les sieurs Favanti, Sieuve et autres firent à cet égard des expériences très précises, et démontrèrent que les amandes du noyau fournissent une huile limpide, pure et douce qui mélangée avec l’huile ordinaire, ne lui communique aucun défaut sensible, que ce soit pour le gout ou pour l’odeur, et qu’elles ne lui transmettent  qu’un gout douçâtre, à peine sensible au palais. Mais avec le temps cette huile de l’amande passant à une légère fermentation fait devenir l’huile rance en masse, et lui communique un gout acre et une couleur sombre désagréable.

Quant à l’huile produite seulement par la pulpe des olives, il faut dire qu’elle a l’avantage incontestable qu’en vieillissant, l’action de l’air ne peut la faire devenir rance et qu’elle se maintient toujours bien limpide. Les noyaux des olives contiennent une très petite quantité d’huile très désagréable, très acre et nauséeuse : pour l’obtenir et ensuite la réduire en une pâte très fine, et comme durant la trituration  des olives certains noyaux restent intacts et les autres ne sont que grossièrement fractionnés, il en résulte qu’en faisant de l’huile d’olive  suivant la méthode ordinaire, on ne peut séparer celle qui est contenue dans les noyaux. Le résidu ou la lie des olives contient encore une très petite quantité d’huile, qui est extraite en   la travaillant de nouveau et en la lavant dans différentes fosses en terre cuite et disposées en plans inclinés l’un en dessous de l’autre, lesquels communiquent entre eux par un petit canal destiné à l’écoulement des eaux ; de cette façon toutes les parties huileuses que contiennent les résidus des olives, remontent à la surface de l’eau avec la peau des olives avec l’amande des noyaux et avec les matières albumineuses et fibreuses, elles se ramassent avec de grandes écumoires de cuivre, on les fait bouillir dans des chaudières ; après quelques heures d’ébullition, les matériaux ci-dessus tombent au fond des chaudières, l’huile vient se rassembler en partie, et enfin au moyen de la pression on obtient l’huile qu’on appelle de ressence et qui ne sert qu’à fabriquer du savon.

Toutes les eaux servant à la fabrication de l’huile et à laver les ustensiles  sont jetées dans des réservoirs appelés enfers ; de toutes ces matières oléagineuses, on recueille encore  après une longue fermentation putride, une huile particulière dite d’enfer, qui reste claire, limpide, et très appropriée pour produire de la lumière qui exhale une odeur forte et désagréable. Les principes immédiats de cette huile qui se confrontent  avec ceux de l’huile  de ressence apparaissent très divers ; l’huile d’enfer est presque  entièrement formée d’oleine, comme le savant Roubaudi l’a reconnu. En séparant la stéarine de l’oleine au moyen de la congélation de l’huile et en la soumettant  à l’action de la presse à travers plusieurs épaisseurs de papier absorbant par les pores l’oleine, pendant que la stéarine reste à la surface du papier. La peau des olives  et toutes les matières fibreuses et albumineuses, dont on extrait l’huile de ressence appelée murcia (*) sont utilisées pour chauffer les chaudières : les mouliniers utilisent encore à cet usage la lie et les parenchymes de tous les résidus secs qu’on appelle mottes; cette lie déposée au fond  de tous les réservoirs  produit d’excellents engrais en raison probablement de la substance azoto-albumineuse qu’elles contiennent. Les noyaux cassés convenablement carbonisés  constituent un excellent combustible qui donne une chaleur modérée dans les appartements et offrent l’avantage de ne pas produire d’acide carbonique.

On ne connaît pas l’époque à laquelle l’olive fut introduite en Europe. Selon la tradition  les phocéens auraient apporté cet arbre précieux en premier sur les côtes méditerranéennes  quand ils vinrent y fonder des cités. Certains auteurs pensent que de l’Ethiopie son pays natal, elle fut transportée en Egypte au temps de Sesostris. D’autres pensent qu’elle serait originaire de Lybie  et que les habitants d’Oasi, cité centrale de cette contrée, furent les premiers à extraire l’huile du fruit. Pline parlant de la prodigieuse fertilité du sol de la Lybie fait mention d’oliviers gigantesques  que l’on y voyait à son époque. Selon ce qu’affirme Horneman, des oliviers d’une extraordinaire grosseur ombrageaient les ruines du temple d’Amon.

A part ces avis, il est certain que l’usage de l’huile d’olive  pour la cuisine et pour les lampes  remonte aux temps les plus anciens, et qu’il en est fait mention dans le pentateuque"

 

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

Bibliothèque municipale de Nice

Tome XI B 8143 – date 1843

 

(*) MURCIA : selon le “Vocabolario Domestico Genovese-Italiano con un’appendice zoologica” compilato ed illustrato con tavole de P. Angelo PAGANINI édité à Gênes en 1837 le mot MURCIA = MORCIA =FECCIA DELL’OLIO donc à traduire par   par LIE, DEPOT,GRAISSE