De 1718 à 1740 suivant le dictionnaire de Casalis
mise à jour juin 2024
Pages 942 à 946
Par le Traité d’Utrecht (11 avril 1713) Victor Amédée obtint le Royaume de Sicile, et le Comté de Nice fut entièrement évacué par les troupes françaises. Un moment toujours plus agréable remplit les vœux des Niçois. Le port de Villefranche accueillit une division de la Flotte anglaise destinée à transporter à Palerme Victor Amédée où il devait se rendre pour recevoir la couronne de ce Royaume.
A son arrivée à Nice, l’administration consulaire, et malgré la misère publique lui fit un don de deux mille ducats, mais Victor Amédée fit distribuer cette somme aux familles les plus indigentes, et ce sur ses fonds propres.
Une convention particulière du Traité d’Utrecht avait établi que des commissaires de la Cour de France et de Savoie détermineraient les limites territoriales entre la Provence et le Comté de Nice. Par une convention stipulée à Nice le 28 septembre 1718, la Vicairie de Barcelonnette fut cédée à la France.
Déjà les regards des hommes politiques se tournaient avec inquiétude vers le Cabinet de Madrid dont les immenses préparatifs de guerre annonçaient une prochaine rupture ; en fait, sans déclaration de guerre, l’amiral D. Antoine Castagnetta, quittant le port de Barcelone, alla avec une flotte nombreuse ayant à bord trente mille soldats sous les ordres du marquis de Leeda, occuper l’ile de Sardaigne où il ne rencontra aucune résistance, et de là il put sous peu s’emparer également de la Sicile. A l’annonce de cette violation du droit des gens une rumeur de guerre se fit entendre dans toute l’Europe.
La conférence ouverte à Londres en 1718, conduisit au Traité de la quadruple alliance entre l’Angleterre, la Hollande, l’Autriche et la Maison de Savoie. Par cette nouvelle transaction diplomatique, fut assurée à Victor Amédée en échange de la Sicile, la souveraineté sur le Royaume de Sardaigne.
La paix ainsi souscrite le 16 janvier 1720 donna les Royaumes de Naples et de Sicile à l’empereur Charles IV, celui de Sardaigne à Victor Amédée, et les duchés de Toscane de Parme et de Plaisance à l’Infant D. Carlos.
De graves troubles survinrent à Nice en 1723 par la faute d’un administrateur obstiné et orgueilleux. Pietro Marcelle Zoppi ayant obtenu la charge d’Intendant général de la ville et du Comté de Nice, se mit en tête de violer les antiques privilèges municipaux ; les Consuls, soutenus par la population entière, lui opposèrent une forte résistance, dans l’assemblée tenue le 24 septembre dans le palais civique, l’Intendant prétendit absolument obtenir une délibération par laquelle on établissait une imposition territoriale annuelle ; le peuple se précipita sous les fenêtres du palais en poussant des cris de menaces et d’imprécation. Zoppi, épouvanté, sortit du Conseil et se réfugia dans une maison voisine où il se cacha jusqu’à ce que le Gouverneur aille le libérer avec les soldats de la garnison.
Le Roi désapprouva la conduite de cet administrateur, et le renvoya en Piémont, mais voulant aussi punir les Consuls de n’avoir pas su prévenir un soulèvement populaire, il les envoya en exil à Saluzzo où ils restèrent soixante jours sous la garde de l’autorité militaire.
Un calme profond régnait sur toute l’Europe, les peuples soumis à la domination de la Maison de Savoie, vivaient heureux à l’ombre de ses bienfaits quand on apprit avec une grande stupeur que Victor Amédée avait abdiqué le pouvoir en faveur de son fils Charles Emmanuel III. Formé à l’école de son auguste père, il en suivit glorieusement les traces et le dépassa sans chercher à l’imiter.
Sous le règne de Victor Amédée la ville de Nice tira de sa munificence un accroissement sensible de propriété. L’industrie, les arts, les manufactures constamment protégées et encouragées par lui étaient florissantes.
La Cour d’Espagne et la Chambre de Commerce de Marseille rachetèrent le droit de passage de Villefranche pour six années et moyennant une énorme somme d’argent. Le port de Villefranche avec tous ses privilèges redoubla d’activité et les échanges avec l’Etranger.
On vit alors la fortune publique s’élever au niveau de la prospérité de l’Etat. Nice devint très animée ; une multitude d’étrangers, alléchés par la protection du Gouvernement et la douceur du climat vinrent s’établir et accrurent la richesse du commerce ; toute la partie qu’on appelle aujourd’hui la ville nouvelle ne comprenait auparavant que praires et jardins appartenant à divers propriétaires.
Le roi fit construire à la charge du Trésor un nouveau Palais dans le site même où précédemment se trouvait l’ultime pont-levis de la Porte de France. A peu de distance, les Consuls élevèrent la tour de l’horloge publique. Sept années après on commença la façade de l’église S. Dominique, monument d’architecture que la Révolution avait fait disparaître. L’administration civique proposa l’ouverture de la place sous le nom de ce saint. Les finances royales absorbèrent des sommes considérables pour la construction d’une caserne destinée aux troupes de la garnison ; les riches, les citadins qui désiraient contribuer à l’agrandissement de la cité eurent toutes sortes de facilités et d’encouragements. Le Traité de la quadruple alliance paraissait devoir assurer à toute l’Italie les bénéfices d’une longue paix, mais il n‘en fut rien.
La succession du trône de Pologne ralluma rapidement les foyers de discorde. Auguste II étant mort en 1733, l’Autriche et la Russie voulurent lui donner comme successeur l’Electeur de Saxe, Frédéric Auguste. La France essaya de faire restituer cette couronne à Stanislas Leczinsky qui l’avait déjà portée. Cette première étincelle fut l’occasion d’un incendie général.
Le Roi d’Espagne et celui de Sardaigne s’allièrent à Louis XV. Charles Emmanuel pour prix de sa collaboration eut le titre de généralissime des armées en Italie. Cette lutte bien loin d’être funeste pour la ville de Nice, lui procura de notables avantages ; le passage continuel des troupes, les arrivées successives de navires français et espagnols, les relations plus directes qui s’établirent entre la France et l’Espagne, accrurent la richesse de son commerce. Mais malheureusement l’inclémence du ciel détruisit en partie les faveurs de la fortune ; une extrême sécheresse (1734) fit périr presque toutes les récoltes et beaucoup d’habitants seraient morts de faim si le Roi prévoyant n’avait fait expédier dans cette ville un considérable soutien en céréales achetées sur sa bourse personnelle en Piémont et en Lombardie.
Mais les souffrances dues à cette disette y occasionnèrent une épidémie morbide dont les conséquences furent funestes, et tellement que l’année 1733 où se produisit l’épidémie, reçut l’épithète de mortelle.
Les malheurs des peuples ne ralentissaient même pas les fureurs de la guerre mais par bonheur le cardinal de Fleury voulant arrêter l’ambition de Madrid poussa Louis XV à négocier la paix avec l’Empereur.
Celle-ci fut stipulée définitivement à Vienne le 18 novembre 1738. En vertu de ce Traité l’Empereur renonçait au Royaume des deux Sicile en faveur de l’infant D. Carlos. L’Espagne cédait en échange à l’Autriche les Duchés de Parme et de Plaisance et la remise en possession du Milanais sous condition qu’elle abandonna au Roi de Sardaigne la province de Novarre et de Tortona
Après le Traité de Vienne, Charles Emmanuel se consacra entièrement à rendre le bonheur à ses peuples et c’est vraiment grâce à lui que la ville de Nice fut débitrice de constructions variées et divers embellissements par lesquels l’enceinte fut agrandie et devint elle-même plus fleurie.
Les religieux de l’Institution de S François de Paule proposèrent à la Cour de Turin de construire à leurs frais un nouveau couvent entouré de maisons tracées sur le plan de Guarini de façon à former un ilot régulier et carré dont les prolongements servirent à l’ouverture d’un double quartier vers l’embouchure du Paillon. Les travaux commencèrent en 1736 et furent poursuivis avec une grande activité.
Les Teatins imitèrent l’exemple des Minimes. Le même architecte Guarini leur établit le dessin d’une nouvelle église dont ils posèrent les fondations non loin des jardins du couvent de S. Dominique. Entre temps le Roi envoya à Nice ses ingénieurs les plus experts pour choisir l’emplacement d’un nouveau port mais des raisons d’économie firent rejeter le projet proposé et préférer le site de Limpia. Une utile émulation conduisit aussi à ouvrir deux promenades publiques qui embellissaient la citta nuova, c'est-à-dire celles du Cours et de la Terrasse dont nous avons donné la description dans la partie chorographique du présent article. Charles Emmanuel profitant du calme en Europe redonna leur liberté aux conscrits afin que, retournant dans leurs foyers, ils puissent activer la culture des campagnes. Il ordonna par l’intermédiaire de son premier ministre, aux consuls de Nice de restituer à l’agriculture les terrains marécageux du bord du Var en les concédant gratuitement à ceux qui s’y établiraient et les cultiveraient. Du fait que le maréchal de Berwick avait fait démolir les remparts autour de la ville, leurs restes présentaient le double inconvénient de la tristesse et de l’insalubrité. Un ordre du Roi les fit disparaitre par les soins du Chevalier de Corbeau commandant intérimaire de la ville. Une nouvelle enceinte de murailles fut construite sur ses ruines et les anciens fossés se changèrent en délicieux jardins
Bibliographie
Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere
Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro
Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie
Bibliothèque municipale de Nice
Tome XI B 8143 – date 1843