MOULINS ET POTERIES A L'ALQUIFOUX


 

Mise à jour aout 2019

Préambule

 

Une partie  de l’étude ci-dessous en ce qui concerne Vallauris a été faite sur la base de documents extraits de la thèse de Doctorat de Jean Ferdinand Petrucci () Plus loin il est dénommé par simplification JFP

Edmond Mari () a également consacré quelques pages à l’alquifoux et aux moulins associés. Plus loin il est  dénommé par simplification EM

Définition

 

L’alquifoux ou sulfure de plomb ou galène, une fois broyé a été utilisé pour vernir la poterie

 

Procédé

 

Le matériau brut était réduit à l’état de poudre dans des moulins spécialisés. Il était utilisé à Vallauris dès le 16 ème siècle. Selon Edmond Mari () page 185 « l’alquifoux en poudre était mélangé avec du sable fin et de l’argile. Les proportions correspondaient  respectivement à 70%, 25% et 5%...Les trois ingrédients pulvérulents sont alors délayés dans de l’eau et appliqués »

 

Etymologie et variantes

 

Le mot serait une corruption de l’arabe Kohl utilisé jadis aussi en cosmétique.

On trouve aussi la forme alquifou, arquifol (Espagne Portugal),

Variations dans les textes de Vallauris : achifou (JFP texte de 1700) archifoux (JFP texte de 1742), archifou (JFP texte du 24 thermidor an II)

Autres termes mentionnés par EM : esquifoux, arquifoul, vernis sardenc, poudre de grappier de plomb

 

Provenance du matériau

 

On trouve du plomb sous différentes formes à plusieurs endroits dans les Alpes Maritimes, mais dans un acte du 11 aout 1742 relatif à Vallauris (JFP page 287 :33) est citée la provenance de Hollande et de Sardaigne.

« Le dit sieur Albanelly s’oblige à fournir au dit Messier tout l’archifoux qu’il lui sera nécessaire à sa fabrique pendant le terme du présent accord, à commencer au premier de septembre prochain sçavoir celuy d’Hollande sur le pied de quinze livres le quintal et celuy de Sardaigne sur le pied de dix livres le quintal le tout rendu au lieu de Cannes »

 

Comparution pour Jacques Carbonel contre Jacques Sicard du 28 décembre 1742 (JFP page 297) :

« … laquelle dite somme de mille quatre-vingt livres fut empruntée pour la cause commune entre le remontant et les autres susdits maitres potiers à terre pour l’employer à l’achapt d’archifoux pour l’utilité de la fabrique chaque maitre potier à terre… »

 

Il semble donc qu’il y a eu  au moins à une certaine époque des achats groupés.

Dans le « Coup d’oeil historique et statistique de la ville d’Aix la Chapelle » de 1808 page 226, on peut lire « l’alquifoux se vend en France et en Hollande et égale en qualité celuy qu’y fournissait autrefois l’Angleterre »

 

Dans le tableau général du Commerce de la France… de 1832 page 64, les importations d’alquifoux en France se répartissent comme suit en fonction de la provenance, en tonnes : Belgique 6.0, Angleterre 1.9, Espagne 1213.7, Sardaigne2.8, Toscane 2.1, Allemagne 44.7, mais les quantités pouvaient varier d’une année sur l’autre

 

Dans les « Archives du Commerce ou Guide des Commerçants » de 1833 page 41, on peut lire « Les exportations de l’ile de Sardaigne pour la France ont été de 292.000 F dont 60.000 f d’alquifoux »

 

Edmond Mari a aussi étudié dans son ouvrage la question de provenance des matériaux et du prix

 

Moulins de Vallauris

 

Il n’est pas fait mention de moulins à alquifoux présents dans les magasins ou fabriques de potiers dans les états de section de 1814. On peut supposer que c’étaient des installations assez simples qui ne nécessitaient pas une description détaillée dans les actes officiels.

Edmond Mari présente dans son ouvrage la copie de croquis intitulé : « Préparation de l’alquifoux d’après Mr Duhamel du Monceau de l’Académie Royale des Sciences 1773 »

Dans les actes officiels il est simplement fait allusion à la mise en état des moulins et des pierres.

 

Acte du 5 décembre 1700 (JFP page 193)

Vente de Carbonel Pierre à son frère Carbonel ?

« un bugadier à tenir achifoux »

 

Comparution pour Bernard Lisnard contre Nicolas Jourdan du 10 aout 1738 (JFP page 284)

« Compte des profits…de cent nonante quatre quintaux et demy d’archifoux que les dits Maitres potiers à terre ont consommé depuis le dit jour premier may mil sept cent trente-sept et que le dit Jourdan a expédié dont la plus grande partie avait été achetée par le dit Lisnard  dans la ville de Marseille »

 

Acte du 17 aout 1767 (JFP page 279) Jacques Terrin loue à Jean Joseph Gimbert

« Attendu que le moulin à piler le vernis est hors d’uzage les parties sont d’accord avec le dit Terrin luy en faire monter un par tout la Saint Michel»

 

Inventaire du 24 thermidor an II (JFP page 290 :36)

« Du mobilier laissé par Nicolas Jourdan à feu Jacques… un moulin pour passer l’archifou »

 

Bail à loyer  du 13 aout 1810…à Antoine Conil (JFP page 279 :25)

« …Un troisième crible en peau pour passer l’alquifoux »

…deux moulins pour l’alquifoux dont un neuf et l’autre demi usagé »

 

Succession de Gastaud Jacques  10 juillet 1826 (JFP page 292 :38)

« …Un moulin pour triturer le vernis prisé pour 1 f 50

…Trois bassins en terre pour contenir le vernis prisés pour 1f 50 »

 

Bail à loyer à Terrin Ainé (JFP page 281 :27)

« … de faire la moitié de la dépense nécessaire pour remplacer les pierres servant à triturer l’alquifoux »

 

 

Situation suivant le cadastre napoléonien, plan de 1814

 

Il semble que plusieurs potiers étaient regroupés au sud-ouest du village près du ruisseau, suivant la section D du plan cadastral dans le quartier les Fumades ou la Fumadea (nom peut être dérivé du mot fumée de four)

Mais il y avait aussi de nombreuses poteries dispersées.

Curieusement le musée de Vallauris ne comporte pas de dossier consacré à l’historique de la poterie.

Voir dossier avec liste des fabriques de poteries suivant l’état de section du cadastre de 1814

Sur l’état de section page 144 et suivante, près du vallon de Léouse, on peut lire concernant des parcelles où sont groupées des fabriques:

601 Sicard Antoine, magasin de poterie

602 Carbonel Jean, idem

603 Carbonel Pierre, idem

604, idem

605 Conil Gérome,idem

606 Sicard Jean, idem

607 Carbonel Jean Joseph, idem

608 Carbonel Pierre, idem

Page 145

609 Gimbert Pierre, magasin de poterie

Il y a ambiguité sur le terme « magasin » qui voulait signifier aussi peut-être fabrique, car il y avait probablement dans ce petit village aux nombreuses fabriques, peu de clients susceptibles de visiter des magasins au sens moderne du terme

 

Mais les moulins à huile ou à farine étaient bien indiqués, par exemple, il y avait suivant le cadastre de 1814 plusieurs moulins à farine et à huile et il est mentionné un ancien moulin à vent ruiné  N° 560

Voir dossier Moulins de Vallauris

 

Moulin présumé de Biot

 

Dans une propriété privée se trouve un ancien moulin à sang très bien entretenu qui pourrait avoir servi à piler l’alquifoux

Il y aurait eu en 1737 (page 212) 16 potiers à Biot

 

Histoire des potiers de Dieulefit dans la Drome

 

On peut lire : de nombreux moulins à alquifoux (minerai servant à fabriquer les vernis (souvent importés d’Espagne animés par des roues à aubes…)

 

Réglementation

 

A partir des années 1880 divers règlements ont interdit l’usage de l’alquifoux pour des raisons sanitaires avec le risque  de saturnisme, ainsi que l’oxyde de plomb

Voir (JFP page 315 :61) « Dossier sur l’utilisation du plomb dans le vernissage des poteries » où il est aussi question d’oxyde de plomb

 

Ci dessus copie de la note du Conseil d’Hygiène du 6 mars 1886 (JFP page 322 : 68)

Bibliographie

 

Durbec Joseph Antoine - Monographie de Biot – Annales de la Société scientifique et littéraire de Cannes et Grasse Tom LII aout 2007

 

Lahaussois Christine –Terres vernissées - Editions Massin

 

Mari Edmond - Jarres en Provence 1996

 

Petrucci Jean Ferdinand  - Les poteries de Vallauris 1501 – 1945 – Thèse de Doctorat en Histoire des  techniques EHESS