Mise à jour octobre 2017
On trouve quelques sarcophages à compartiments dans les Alpes Maritimes, généralement à deux compartiments. Celui de la chapelle Saint Léonce à Valderoure 06750 est exceptionnellement à cinq compartiments.
Ce dossier vient en complément des travaux effectués principalement par Cinza Vismara et Laurence Lautier. Dans cette étude figurent les plans et photos d’un certain nombre de sarcophages examinés, attestés ou supposés, et une comparaison entre la pierre romaine de Bar sur Loup et le sarcophage de la Gaude
Selon Cinzia Vismara (), page 24, « des urnes cinéraires à deux compartiments constituent une particularité propre à la cité de Vence ainsi qu’à une partie de celle d’Antipolis/Antibes, et elles sont attestées aussi à Cemenelum. La caisse rappelle par sa forme et parfois par ses dimensions les sarcophages, mais à l’intérieur, deux cuves ont été creusées, destinées à contenir deux urnes avec les cendres. Le front est occupé par une inscription (ou bien deux en correspondance avec les cuves), encadré par un décor végétal stylisé »
Cependant certaines pierres avec inscription d’époque romaine scellées dans des murs pourraient être des sarcophages à un compartiment.
Sarcophage de la chapelle Saint Léonce à Valderoure 06750
Il se trouve devant la chapelle. Il est cloisonné et l’on distingue bien les deux cloisons d’extrémité. Il y avait probablement 5 compartiments à l’origine, mais les cloisons intérieures sont très détériorées Voir croquis et photos.
Sur la face avant, une inscription a été gravée. Les deux premières lignes de cette inscription ont été traduites.
Ce sarcophage a fait l’objet de la note 224 de l’inventaire archéologique Forma 1931. Il a été décrit en détail par Sénéquier (), page 399 et 400, et dans P. Goby (), page 160
Voir aussi Laurence Lautier ()
Photo de face Henri Guigues
Il se trouve au 133 Voie Aurelia, et a été restauré et placé dans un mur au bord de la voie antique.
Le texte de Mommsen, CIL XII, 18 Vintium page 4, est le suivant « grande urne funéraire découverte par moi il y a quelques années à la Gaude près de Vence, au lieudit les bastides, scellée dans le mur d’une bastide. BLANC »
E. Blanc Intitule son ouvrage: Epigraphie Antique Du Département Des Alpes-Maritimes (1881) que l’on trouve encore chez les bouquinistes
CREMONIO - ALBUCI – FI CREMONIO ALBUCIO
AVLINO –IMMATURA DEC – VINT -II VIRA II
AETATE DECEPTO – Q- VI SACEDOTALI – ET – OM
XIT – ANN XII – ET – VINICIO NIBUS – HONORIBVS – FV
INBENVI – FILIO – AVLINO NCTO 6VIBIA – MATER
PRIMA – AETATE erepto NA –MARITO – INCOM
Q – VIXIT AN //// PARABILI FECIT
VIBIA MATERna filis
PIISSIMIS et due
CISSIMis fecit
Selon A. Benvenuto, qui a consacré un article à ce monument (1), la découverte a été faite en 1878. Il a également écrit un article dans la revue Alagauda dont copie ci dessous:
" Le sarcophage romain de La Gaude
Un mari incomparable et des enfants bien aimés.
Les romains à La Gaude.
Les romains ont laissé des traces de leur passage à La Gaude dans les quartiers des Barres, de la Garbasse, de la Maure, de la Citadelle, de Saint-Pierre, de la Baronne, et des Bastides.
Quatre inscriptions ont été relevées par Ed. Blanc dès 1878, dont une urne funéraire au quartier des bastides (actuellement scellée dans le mur de la maison commune du haut-de-Cagnes !). Plus récemment, c’est la sépulture sous tegulae d’un centurion romain qui a été retrouvée dans le quartier de la citadelle.
Mais le monument le plus intéressant est sans conteste le sarcophage de la voie Aurélia, enchâssé dans un mur qui jouxte la route, près de La Coupole à La Gaude.
Le sarcophage de la Voie Aurélia.
Il s’agit d’un sarcophage dit « à compartiments », car, s’il rappelle une tombe classique par sa forme et ses dimensions, il est en fait séparé intérieurement en deux compartiments pouvant recevoir chacun une ou plusieurs urnes funéraires. Sa façade, dénommée « front », comporte deux inscriptions en relation avec les urnes funéraires contenues dans le sarcophage.
On trouve d’autres sarcophages à compartiments dans les Alpes Maritimes, généralement à deux compartiments, parfois jusqu’à 5 comme celui de Valderoure. Ces urnes funéraires à deux compartiments constituent une particularité propre à la cité de Vence ainsi qu’à une partie de celle d’Antibes, et sont également présentes à Cimiez. Le front est occupé par une inscription (ou bien deux en correspondance avec les cuves), encadré par un décor stylisé souvent végétal.
Le sarcophage romain de la Gaude, à deux compartiments, a été signalé et parfaitement décrit pour la première fois par Edmond Blanc au lieu-dit Les Bastides en 1878. Les instituteurs de La gaude allaient le montrer à leurs élèves avant la 2° guerre mondiale, puis le sarcophage disparaît à nouveau sous la terre et ne subsiste plus que dans la mémoire de certains vieux gaudois. Il réapparait officiellement en 1980 grace aux recherches du pharmacien E Pique.
Il comporte dans des cadres moulurés deux épitaphes dédiées toutes deux par la même femme, Vibia Materna, respectivement mère et épouse des défunts. Chaque compartiment pouvait contenir deux urnes funéraires.
A gauche celle des deux frères, dont l’un, Cremonius Aulinus est mort à l’âge de douze ans, et l’autre Vicinus Aulinus, dans les premières années de sa vie, et à droite celle de son premier époux, Cremonius Albucius, décurion ayant occupé des charges politiques et religieuses.
L’ordre des décurions correspondait au Sénat Romain à une époque où Vence avait rang de Cité romaine. Il fallait remplir des conditions d’âge, de naissance et de fortune. Le minimum de cette fortune correspondait à 25000 sesterces, ce qui correspondrait de nos jours à environ 200 000 €. Les duumvirs étaient des magistrats nommés pour agir dans une circonstance donnée : religion, justice, etc. Les prêtres servaient le culte d’une divinité. Il y avait à Vence un temple apparemment dédié à Mars.
Cremonious Albucius était donc certainement un personnage important et son sarcophage se trouvait probablement le long de la voie Aurelia.
Les dessous de l’histoire.
Laissons l’imagination reprendre le pas et compléter l’histoire.
Les 2 fils de Vibia Materna étaient les enfants de deux pères différents : Albucius pour le plus âgé et Ingénus pour le plus jeune. Ceci permet d’en déduire que l’épitaphe la plus ancienne est celle de Cremonius Albucius, le riche décurion, et qu’après la mort de celui-ci, Vibia Materna, sa veuve, se serait remariée avec un certain Vicinus Ingénicus, dont elle a eu un second fils, tout en écrivant que son premier mari était incomparable ! Par un touchant souvenir, elle a donné à ce 2° enfant le même surnom que celui du premier fils qu’elle avait perdu."
A droite du sarcophage se trouve une pierre gravée grossièrement, peut être en réemploi. La date mentionnée est 1881.
Ce sarcophage a été redécouvert dans les années 1970 - 1980 par Edmond Pique et Dominique Petry-Amiel, tous deux gaudois. Il se trouvait précédemment au carrefour de la Voie dite Aurelia et du chemin de Cagnes à Gattières, et il était presque totalement enterré au pied d'une ruine. A ce carrefour ( 43°43'19 N, 07°09'12 E, H = 241 m), dit Saint Pierre (Sant Peiré suivant le cadastre napoléonien, il existe aussi l'orthographe Sant Pèire pour l'ancienne église), se trouvent en effet des ruines probablement très anciennes. Il a été alors transporté à environ 100 mètres plus à l'ouest et incorporé dans un mur de soutènement de la propriété du boulanger de l'époque.
Depuis 2004, ce sarcophage a été mis en valeur par une protection vitrée avec une notice. Voir ci dessous photos 2015
Sarcophage devant le cimetière à Carros village 06510
L’inscription de ce sarcophage a été ainsi décrite par Mommsen (CIL XII, 27, page 5).
« Urne funéraire renversée pour en faire le piédestal d’une croix. BL.Carroz diocesi di Venza GIOFF.
Prope Coemeterium BL. »
M – ENNIO – MARCIAN
O –ET MANILIAE – MA
RCIAE – VIVENTI – M
ENNIVS – QUADRA
TVS – ET – ENNIA – MARCI
ANA PARENTIBVS CARISSIMIS
POSVUERVNT – P – O - B
Photos ci dessus Henri Guigues
Edmond Blanc avait noté également à Carros « urne funéraire brisée, Carroz, sert de banc contre un mur au sud du cimetière ». Elle figure dans Mommsen sous la référence (CIL XII, 54, page 8).
ME ET IN VIV
RILVS – CONIVGI – DULCISSIME
QUAE – VIXIT – ANNIS – XX – TITV
LVM - COMMVNEM – POSVUERVNT
Ce sarcophage est à identifier
Voir Laurence Lautier ().
Sarcophages du bastion Saint André à Antibes 06600
Ils pourraient correspondre à ceux mentionnés sur le plan de T. de Ville d‘Avray figurant page 76 du livre sur les Encourdoules () page 76. Ils sont assez abîmés et la face avant a été préparée pour une gravure qui n’a pas été exécutée
Sarcophage de la chapelle Sainte Anne à Vence 06140
ENNIA – FVSCINA
VIVA – SIBI – FECIT
Etant donné que sur la partie gauche subsiste un morceau de décoration incomplet on peut se demander s’il ne s’agirait pas de la partie droite d’un sarcophage à deux compartiments.
Il y aurait aussi un sarcophage à Notre Dame des Fleurs à Vence.
Sarcophage du château musée de Cagnes sur Mer 06800
Il y a deux inscriptions, une en partie gauche et une en partie droite, ce qui pourrait correspondre à deux emplacements non séparés. On ne voit pas trace de séparation centrale. Dès lors, soit la séparation centrale a été supprimée soigneusement lors de la transformation en abreuvoir, soit les restes des deux défunts ont été déposés dans un seul bassin.
Le texte relevé par Mommsen est le suivant :
a b
M – VELOCIO – CV DOMITIAE – GR
pITO – M – velo ATILLLAE – VEL
CIVS – CVPITV OCIA – SEVERI
S – FIL – PATRI – A NA – MATRI – ME
SE – BENE – ME MERENTISSIMA
RENTI – FECIT E – MEMORIAM
FECIT
Edmond Blanc (), cité par Mommsen, indique en ce qui concerne son emplacement d’origine « grande urne funéraire, qui sert d’auge, à 500 mètres avant d’arriver à Carros, en venant de Vence, dans une ferme appartenant à Mr Euzière ».
Valérie Journiac, Conservateur du château musée, a trouvé les références suivantes dans le livre d’inventaire de Monsieur Clergue « 46318 Don Paul Tordo (adj au Maire Vial). Pierre tombale romaine avec inscription. Calcaire creusé en bassin ou auge ? (ou bien urne cinéraire ?)
Id. celle scellée dans le mur de la Maison commune en 1936 (don Bonifaci en 1936).
Par ailleurs, elle a trouvé dans une enveloppe avec une photo noir et blanc la mention « photo de la pierre romaine du patio, provenant de l’évêché de Nice apportée ici en 1944 – photo Benati) »
Enfin elle note que les deux mentions ne sont pas incohérentes car Clergue ne crée son musée qu’en 1946 donc le N° d’inventaire porte le N° 46, année durant laquelle il inventorie « rétrospectivement » son objet entré en 1944. Faut il comprendre que de la ferme Euzière, l’objet serait donc passé par l’évêché de Nice ? |
Ci-dessus photo de la notice près du sarcophage exposé
Le texte de Momssen est le suivant :
FLAMINIVS – MVCI – LI
CREMONIVS
VXORI – BENE – MER
ENTI FECIT
La transcription du texte a été faite par les amis du vieux Cagnes sur une plaque en pierre au dessus du bloc. Il s’agirait donc d’un sarcophage à un compartiment comme on peut l’observer en regardant la portion de la partie supérieure qui dépasse de la façade.
Le bloc de droite, également scellé dans la façade a été placé là en 1936. il est surmonté d’une plaque avec la transcription du texte suivante :
D.M
M.LIVIVS NICOSTRATVS
LIVIO ONESIMO PATRI ET
LIUM NICE LIVIO ONESIMO
///// C ET LIVIO HERMAE
///// ERNO FECERVNT
SIBI
POSTERISQVE SVIS
La mention notée par les amis du vieux Cagnes, est la suivante « pierre tombale de la station romaine de Cagnes ». Il y aurait lieu de connaître l’emplacement exact et la date de la découverte, et d’autre part d’après la partie visible, on ne peut pas dire s’il s’agit d’un sarcophage à un compartiment, ce qui est possible d’après la longueur hors tout de la pierre de 90 cm qui pourrait correspondre à une longueur intérieure de 60 cm environ.
Sarcophage de Tourrettes sur Loup 06490
Fragment d’urne cinéraire double de ND des Selves - Carros 06510
Elle a été découverte en 1998 dans la chapelle lors de travaux de restauration, et a été publiée en détail par Pascal Arnaud (), page 25 à la suite des travaux de G. Salacroup () tome XLII, page 85. Les fouilles de ND des Selves ont fait également l’objet d’un article de G. Salacroup () tome XLI, page 67
Pierre romaine de Bar sur Loup 0620
On peut penser au même sculpteur donc à la même époque, et peut être au même usage, ou à une signification symbolique.
La taille pourrait alors correspondre à un sarcophage à incinération à un compartiment. Les dimensions sont en effet 1.14m de long et 0.62 cm de haut
On peut faire également un rapprochement pour la taille avec les pierres de la maison des amis à Cagnes
Le texte et le suivant :
QUADRATIAE SEXTINAE
VAL MARCELLA MATER
FILIA EPI MASSIMAE
QUAE VIXIT AN XXXI
ET SIBI VIVA FECIT
La traduction de Georges Decoulombier (), page 65 est la suivante :
« Pour Quadratia Sextianae, sa fille bien aimée qui vécut 31 ans, et pour elle-même, Valéria Marcella sa mère a de son vivant élevé ce monument »
Sarcophage supposé de Villeplaine, Bezaudun 06510
Bassin trapézoïdal de petite taille à 200 m au sud de la ferme près d’un puits couvert au bord du chemin. S’il s’agit d’un sarcophage il ne serait pas à incinération. Ce qui intrigue, c'est sa petite taille pour un sarcophage normal
Bassins du Pouis 06140
Dans ce site à 500 m à l’ouest de la borne 143 du plan 3642 ET, à la cote 965, on peut observer deux puits circulaires, une bergerie rectangulaire avec local annexe, des abreuvoirs modernes et deux bassins en pierre rectangulaires. Ces bassins sont en assez bon état, sans bonde de fond ni surverse
Certains auteurs (dont Alex Benvenuto), ont suggéré qu'au moins un des deux bassins pouvait être un sarcophage.
Aucune inscription n’a été observée.
Ce site est à proximité de l’ancienne voie romaine Vence Castellane, selon l’hypothèse de V Chavanne (point C)
Souvent on observe dans les abreuvoirs une bonde de fond permettant de vidanger le bassin et de le nettoyer car ces bassins sont très salis par les animaux.
Fontaine de Briançonnet 06850
Selon PCAM (), page 795, cette fontaine serait faite avec des restes de sarcophage en réemploi.
Bibliographie
Alexandre Elisabeth, attaché de conservation au musée archéologique de Cimiez
Arnaud Pascal, Inscriptions grecques et latines inédites, MIPAAM Tome XLII, année 2000
Aubenas, professeur à la faculté de Nice, les vallées de Valderoure Séranon
Benvenuto Alex (1), et Lapchin, Coursegoules le temps des veillées, éditions Serre 1983
Ducoulombier Georges, le Bar sur Loup, une visite dans l’histoire, éditions du Bergier
Encourdoules, (le site des), plusieurs auteurs, éditions IPAAM
Goby. P, Congrès Soc. Sav. Prov. 1906
Inventaire archéologique du Var.
Lautier Laurence () Relations habitats nécropoles : premières approches pour une meilleurs connaissance de l’implantation humaine dans l’Antiquité, Habitat rural antique dans les Alpes maritimes, Editions APDCA actes de la tables ronde 22 mars 1999.
PCAM, patrimoine culturel des Alpes Maritimes, éditions Flohic
Salacroup Georges, la chapelle ND des Selves à Carros 06, MIPAAM Tome XLI, année 1999
Salacroup Georges, la chapelle ND des Selves à Carros 06, MIPAAM Tome XLII, année 2000
Sénéquier, Ann. Soc. A.M., 1885
Vismara Cinzia, histoire de Vence et du pays vençois, Edisud, sous la direction de Georges Castellan
Vismara Cinza, les inscriptions de la cité de Vence, Gallia 48 (1991)
Vismara Cinza, uno monumento funerario diffuso nel territorio delle civitates di Cemenelum, Vintium e di Antipolis, l’urna cineraria doppia Riv. St. Lig LIX-LX, 1993-1994