ROCCASPARVIERA 06670 DURANUS
Etude Jacky Sarale
Mise à jour février 2024
Ci dessus de gauche à droite: article de Paul Canestrier dans l'Eclaireur du Dimanche, carte de 1763, entrée nord au fond le Férion, geoportail
Ci-dessus de gauche à droite: la rue principale, la partie du village sous le château, plan de Georges Brétaudeau, ancien cadastre
Ci-dessus de gauche à droite: ruines du château, sous le château,chapelle Saint Michel
Il est parmi les villages abandonnés du Comté de Nice, l’un des plus emblématiques.
Parmi les premiers lieux supposés d’implantation de la communauté qui sera à l’origine du village actuel de Duranus son existence ancienne est déjà attestée en 1150 dans le cartulaire de l’ancienne cathédrale Ste Marie de Nice
Son abandon a donné lieu à de nombreuses hypothèses et légendes,
Sa situation sur le flanc sud-est de la crête de Graus à une altitude s’étageant de 1060 m à 1100 m lui conférait une quasi-inviolabilité dans ces temps propices aux invasions
Il était situé sur une voie de communication importante permettant de relier la vallée du Paillon à la Vésubie
Seuls demeurent quelques lambeaux de murs qui ont résisté aux vents, pluie, neige et parfois secousses telluriques, tous éléments climatiques amplifiés par sa position dominante et escarpée
On peut encore distinguer la trace d’une voie serpentant parmi ces ruines qui devait être la rue principale
Elle reliait l’entrée sud du village où se trouve la chapelle St Michel édifiée sur l’emplacement de l’ancien chœur de l’église abandonnée à l’extrémité nord, se poursuivant par le chemin conduisant au pied de la Roccassiera (cime la plus élevée de Duranus à 1500 m d’altitude) par le col de l’Autaret , les Routas , le Peuil et le Plat liberté (appellation de la carte IGN 1/25000 dénommé parfois plat Raiberti sur des cartes plus anciennes et Plat Liberti sur le cadastre napoléonien et actuel) où se trouvent les ruines d’une implantation ancienne peut être même romaine au vu des restes de tegulae dans les murs
Ce chemin donnait accès au col de Porte, à Bonvillar (hameau disparu de Lucéram) ainsi qu’à la Vésubie par St Jean la Rivière
Les conditions de vie, le peu de ressources en eau aggravé par la perte de la seule source à la suite d’un tremblement de terre (semble-t-il) ont entrainé le départ d’habitants dés 1625 vers les lieux de Duranus, l’Engarvin, l’Imberguet et la Rivière (St Jean)
De nombreuses recherches sur le terrain n’ont pas permis de retrouver les traces de la source ni les restes de canalisations, en particulier celles menées en 2000-2001 par Georges Brétaudeau, R,Barbès, H et G. Guigues, H et M. Maurel (voir IPAAM tome XLIV année 2002).
En 1639 fut édifié la chapelle de l’Assomption qui deviendra l’église de Duranus
Cet exode durera jusqu’en 1723 date du transfert de la paroisse à Duranus-Roccasparviera malgré l’opposition des habitants de l’Engarvin.
Les prieurs Giulio et Pietro-Giulio Uberti relatent cet épisode dans leur manuscrit. (Voir mémoire de IPAAM Année 2017)
Les habitants récupéreront le maximum de matériaux pour édifier leurs nouvelles demeures, le moulin sera démonté ainsi que le four banal et descendus à Duranus (il s’agissait certainement d’un moulin à grains).
(Duranus : autrefois Roccasparviéra de Pierre Robert Garino Serre éditeur 1993)
Sur la carte de Durieu des archives royales de Turin de 1763 on constate que les ruines du village ne sont même pas mentionnées et que le nouveau village de Duranus est appelé « Roccasparavera o sia Duranus »
Quelques pans de murs plus élevés semblent témoigner de l’existence d’une construction plus importante, demeure du seigneur du lieu en l’occurrence la famille Marquesan
Le 16 Février 1358 Pierre Marquesan achète à la Reine Jeanne, toujours à la recherche de revenus, pour 700 florins d’or « le lieu et château de Roccasparviera »
Le Duc Charles Emmanuel 1er érigera en baronnie les fiefs de Roccasparaviera et Coarraze, le Sénat de Nice entérinera cette décision le 20 juillet 1630.
Le fief de Coarraze sera cédé par André Marquesan pour régler ses dettes de succession en 1567)
Roccasparviera demeurera pendant 400 ans propriété des Marquesan
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Les légendes
La légende de la Reine Jeanne.
Celle-ci serait venue se réfugier dans ce lieu pour fuir ses ennemis et la veille de noël serait allée à Coaraze pour la messe de minuit ; au retour pour le repas du réveillon ses poursuivants l’ayant retrouvée elle trouva ses deux enfants assassinés
La reine Jeanne n’a jamais eu d’enfants et ne s’est jamais rendue en ce lieu comme d’ailleurs en d’autres villages du Comté de Nice où fleurissent des sites, des bâtiments, des châteaux des ponts qui témoigneraient de son passage.
(ci-dessous le texte de Dominique Durandy dans Mon Pays paru en 1918)
Quant au Castel haut perché de Rocasparvièra il est tombé de lassitude. Et, pourtant, il portait fièrement le souvenir glorieux d'une légende dramatique dans les écrivains locaux ont recueilli pieusement les détails émouvants. Il avait abrité dans ses murailles altières la reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence, fugitive et traquée, soucieuse de soustraire ses enfants aux entreprises des ennemis acharnés à la meurtrir dans ses plus tendres affections. Quelle aventure lamentable et quel calvaire angoissant ! Durant quelques mois, elle vécut tranquille et ignorée, croyant avoir dépisté ceux qui la recherchaient Les gens du pays lui apportaient des vivres et des hommages respectueux. Son chapelain don Pancracio chantait aux offices divins d'une voie ferme et pleine avec un accent napolitain fort goûté des fidèles. Quelques hallebardiers dévoués veillaient aux portes du Castel. Hélas ! la trêve heureuse devait être courte. La nuit de Noël la reine s'en fût à travers la montagne jusqu'à Coarraze pour assister à la messe de minuit.
Elle était sans méfiance ayant laissé ses enfants à la garde de leur vieille nourrice et de Don Pancracio. Lorsqu'elle revint elle trouva ses petits assassinés le prêtre endormi par un narcotique subtil la nourrice bâillonnée. Dans sa fureur elle mit le feu au château, rassembla ses gens et s'enfuit vers les Alpes neigeuses après avoir lancé contre le pays où elle n'avait rencontré que chagrins et trahisons un anathème retentissant.
Roc méchant roc !
Un jour viendra
Ou plus ne chantera
Sur toi poule ni coq
La prophétie s'est réalisée. Roccasparviera a disparu. Quelques ruines seulement manquent l’endroit où jaillissait le donjon fatal. Les bergers qui conduisent les chèvres et les moutons dans ce lieu sauvage ne trouvent plus que ronces et décombres sur le roc maudit ou s'accomplit l'abominable forfait….
Il est à noter que l’auteur ne fait pas état d’un repas où ses enfants assassinés lui auraient été servis rôtis... !
Autre légende
Une autre légende rapportée par Madame Urbain Rattazzi (Marie de Solms) en 1863 met en scène 2 frères amoureux de la même femme, l’amoureux éconduit se vengera lui aussi en servant un repas des plus horribles à sa belle-sœur.
Voir ci-après un extrait
(MADEMOISELLE MILLION SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)
Au fond d'une vallée sauvage sur un rocher taillé à pic on voit les restes d'un vieux château et les ruines d'un petit village groupé autrefois autour du manoir féodal
C'était le château de Rocasparvièra ainsi nommé parce que le rocher sur lequel il était bâti servait de retraite aux éperviers et aux oiseaux de proie
Vers 950 un baron de Rocasparvièra mourut laissant deux fils
Tous deux étaient amoureux de la même demoiselle fille d'un seigneur voisin mais à la mort de leur père l'aîné Antonio et héritier du fief plus naturellement préféré à Paolo le cadet par les parents de la jeune fille ; d'ailleurs le cœur de celle-ci penchait vers Antonio . Le mariage fut donc conclu sans difficulté et l'heureux Antonio alla quérir sa fiancée tandis que Paolo dévorait en silence sa jalousie et sa rage
La noce fut célébrée avec toute la pompe de ce temps-là c'est-à-dire qu'on prépara un dîner copieux où furent invités tous les châtelains d'alentour ; on égorge force moutons on tue tout le gibier qu'on peut trouver dans le voisinage et on défonce tous les tonneaux que renferment les caves de Rocasparvièra cependant Antonio était bon homme il eut pitié du chagrin de son frère et alla vers lui pour l'inviter au repas de noces. Frère lui dit-il donne-moi la main et soyons amis comme auparavant tu te marieras à une autre fille il n'en manque pas et tu m'inviteras à ton tour au repas des fiançailles
Paolo ne répondit rien et se contenta d'accepter par un signe de tête.
A ce moment le majordome entra :
Monseigneur dit-il à Antonio le dîner est prêt
Je ne dirai rien du dîner, on mangea comme au vieux temps c'est-à-dire énormément en arrosant chaque tranche de 20 ans d'un ample coupe de vin il est bon de savoir toutefois que le plat du milieu était composé d'un sanglier flanqué de deux marcassins tués de la main d'Antonio ce qui lui valut les compliments de tous les convives quand on vient à porter la santé de la mariée Paolo remplit son verre comme les autres et avant de le vider : belle-sœur dit-il je compte vous rendre un jour ce dîner de noces puis il quitta la table et sortit du château. On ne sut ce qu'il était devenu et 12 ans s'écoulèrent sans qu'on entendit parler.
Antonio vécut très heureux avec sa nouvelle épouse qui lui donna 3 beaux garçons ,,,,, 12 ans après le commencement de notre histoire au milieu d'une nuit sombre et orageuse le château de Rocasparvièra fut pris par les Sarrasins pendant que les parents et ses hommes d'armes dormaient il fallait que le guide des assaillants fut un homme du pays car ceci au lieu d'escalader le rocher l'avait contourné puis était arrivés jusqu'au château par un secret passage connu seulement des maîtres de Rocasparvièra et de leur plus intime serviteur
Le baron et ses compagnons réveillés en sursaut par le bruit des armes et les cris des victimes essayèrent une vaine résistance il furent tous égorgés quant au baron, ce fut le chef lui-même le chef des Sarrasins se présenta chez la Châtelaine évanouie au milieu de ses femmes je viens suivant ma promesse vous rendre votre repas de fiançailles.. au milieu de la salle était un immense plat couvert d'un voile celui-ci enlevé un affreux spectacle apparu à la châtelaine c'était le cadavre de son mari entouré de 2 de ses fils immolés madame dis Paolo plat pour plat voilà le sanglier et les deux marcassins n'ai-je pas bien tenu ma parole madame pâle et muette d'horreur puis elle chancela et tomba inanimée sur le pavé ; quand on la releva elle était folle elle mourut peu de jours après murmurant sans cesse une vieille chanson du pays qui contenait une prédiction contre le château.
Va roche Rochette
Un jour viendra
Ou sur tes ruines
Ne chantera plus
Le coq ni la poule
Mais les corbeaux
Les éperviers et les oiseaux de proie
Cependant Paolo n'avait tué que deux de ses neveux il en reste un troisième au moment du sac du château ce 3e fils de la châtelaine était chez un paysan des environs …quelques années après ce drame Paolo était allé à la poursuite d'un troupeau de chamois signalé sur les hauteurs, emporté par l’ardeur de la chasse s’égara et la nuit le surprit dans des régions inconnues….
Comme il cherchait à retrouver son chemin il rencontra un jeune chasseur… vassal dit le baron ramènes-moi à Rocasparvièra et tu auras une bonne récompense, sire, répondit le jeune homme nous en sommes à plus de 8h nous marcherions toute la nuit sans y arriver mais venez dans ma maison… Paola accepta il furent bientôt chez le jeune chasseur… mon seigneur le dîner est prêt …au milieu de la table était un grand vaisseau en bois en forme d'un cercueil recouvert d'un voile noir ; sire, dit le chasseur je ne peux vous servir des sangliers et des marcassins comme les riches barons mais chacun fait selon son pouvoir alors il leva le voile et on vit un cercueil vide… des hommes armées entrèrent et se saisirent de Paolo … baron Paolo s'écria le jeune homme d'une voix foudroyante , renégat maudit, voleur, assassin, fratricide, meurtrier de mes deux frères tu vas recevoir le châtiment de tes forfaits, tu es condamné à mourir de faim dans ce cercueil il te rappellera l'exécrable festin que tu as préparé à ma mère, ronge ta chair bourreau jusqu'à ce que ton âme damnée s’ en aille dans les enfers… il le descendit dans un caveau, et tous les jours pendant 10 jours …la trappe du caveau s'ouvrait et le neveu de Paolo montrant au misérable affamé les quartiers de sanglier qu'il retirait aussitôt lui criait monseigneur le dîner est prêt.
Le 11e jour Paulo mourut.
Alors le jeune baron ressembla ses amis et ses vassaux et marchant à leur tête contre les sarrasins qu'il extermina, comme il avait fait vœu de raser le château théâtre de ces atrocités le village et le château furent livrés aux flammes .... les habitants se répandant dans le voisinage où ils fondèrent de petits hameaux parmi lesquels l’Engarvin , la Pala et Duranus.
Quant à l’héritier de Rocasparvièra ayant ainsi vengé sa famille il s’en alla en pèlerinage à Jérusalem où il mourut.
Dieu veuille avoir son âme
Voici 2 légendes qui ont dû contribuer à faire de ce village médiéval abandonné pour des raisons objectives un lieu mystérieux et maudit.
Peut -être en existent-ils d’autres tout aussi dramatiquess