Mise à jour 2003
1- Historique
. Le précédent propriétaire était la SCI Notre Dame de la Garoupe qui avait acquis la propriété de Mademoiselle Marguerite Louise Reibaud le 1er Octobre 1973. Elle avait été attribuée à Mademoiselle Reibaud aux termes d'un acte de partage du 1er Octobre 1943 des biens de la succession de sa mère Madame Muterse épouse en son vivant de Monsieur Pierre Marie François Reibaud (notaire), décédée le 13 Février 1930.
Cette propriété de 9 hectares environ faisait partie auparavant d'un domaine plus grand de 11 hectares.
Le 4 Fructidor An V avait eu lieu le partage entre les enfants de Pierre Guide (1721-1794) et de Madeleine Sandin et la propriété avait été attribuée à Jean Baptiste Guide qui avait eu pour enfant François Guide. Madame Muterse citée plus haut était la petite fille de François Guide auteur d'un poème sur la propriété vers 1840.
Cet acte passé par Maitre Louis Dolle figure dans les Archives Départementales: fonds Reine 3 E 81, protocole 219, folio 73 et suivants.
Les Guide se sont installés à Antibes sous le gouverneur de Provence qui était comte de Tende vers 1530 et la propriété aurait été dans la famille depuis les années 1560/1580.
Un Vincent Guide était viguier et capitaine pour le roi en 1608.
11- Le cadastre napoléonien de 1813
La photocopie de l'extrait cadastral de 1813 est jointe en annexe. On reconnaît bien la propriété, le chemin de la Salis à la chapelle, le rond point, la bastide (908) repère (L) de l'extrait du plan de géomètre, et l'autre bastide (911) repère (M) du plan. Une partie de l'assise du chemin a été modifiée depuis dans la partie ouest du terrain du fait de la clôture de la partie non cédée au Conservatoire. L'extrait de la matrice cadastrale indique au nom de Jean Baptiste Guide négociant à Nice les parcelles 901 ‡ 913.
901 Bois inculte
902 Masure
903 Vigne
904 Inculte avec quelques oliviers
905 Terrain oliviers
906 Terrain vigne
907 Inculte
908 Bastide et parc
909 Terrain avec quelques oliviers
910 Bois
911 Bastide et cour
912 Terrain oliviers
913 Terrain vigne oliviers
Le cadastre ne mentionne pas d'aire ni de « graissier » dont il sera question plus loin.
2- Les Bastides
. Sur un plan d'Antibes vers 1760 on distingue bien le chemin qui va de la Salis à la chapelle et une maison qu'il est difficile d'identifier.
3- La guerre de succession d'Autriche.
Pendant l'hiver 1746-1747, la ville d'Antibes tenue par les gallispans (franco-espagnols) était assiégée par les autrichiens qui tenaient les hauteurs de la Garoupe et bombardaient Antibes à partir d'un point voisin de la pinède actuelle de Juan les Pins.
La chapelle de la Garoupe avait une tour de guet qui aurait été démolie par la foudre dans les années 1850. Elle aurait servi à régler les tirs pendant le siège de 1746.
Des obus tombés trop courts ont d'ailleurs été récupérés dans le secteur du chemin des Sables entre Antibes et Juan les Pins.
Sur le plateau de la Garoupe un lieudit s'appelle encore plateau des autrichiens.
4- Traditions familiales
D'après les traditions familiales de la famille Guide, qui a fourni des notables à la ville d'Antibes, des soldats en garnison à Antibes seraient venus travailler dans la propriété soit pour ne pas les laisser flâner en dehors des contraintes des exercices et causer éventuellement des désordres en ville, soit du fait de l'influence des membres importants de la famille auprès des autorités militaires pour obtenir de la main d'oeuvre à bon compte.
Des légendes se sont propagées sur la propriété notamment au sujet du rond point, dans le courant du XXème siècle mais sans réel support historique.
5- L'examen des lieux
Voir aussi le dossier: murs à parement courbe
La plus grande partie de la propriété reste à l'état naturel à part quelques petits cheminements et la végétation est surtout constituée de chênes mais on trouve aussi quelques oliviers pas très vieux, des pins maritimes et parasol, des oléastres, des lauriers et de la végétation du maquis, notamment.
Un plan de géomètre au 1/500 a été établi en 1971 complété en 1972 par le cabinet Fourcy de Cannes. Ce plan fait partie du dossier du service des espaces verts de la ville d’Antibes.
La partie basse du terrain constitue un replat dans la pente générale de la colline et en aval de la grande allée qui traverse le terrain dans sa longueur la pente de la colline est de nouveau plus forte.
Le préambule effectué ci dessus aide à l'analyse des éléments remarquables du site
51- Les restanques et les murs qui les bordent
- Elles ont été exécutées avec beaucoup de soin et par des spécialistes, car les faces vues sont très bien dressées et les retours d'angles également.
- Les murs sont très hauts et très larges et ont une face arrière qui dépasse le niveau de la restanque supérieure. Le tableau ci après donne les caractéristiques des diverses restanques.
- Un des murs de restanques est tellement haut qu'il est composé de deux plateformes, la plateforme basse ayant servi d'échafaudage pour monter les pierres du mur de la restanque proprement dite (coupe 6.6)
- La plupart des murs de restanques sont à parement courbe ce qui nécessite l'exécution avec un calibre (Voir note No 1) qui donne la courbure régulière constante sur plusieurs dizaines de mètres de long. Le parement courbe relativement peu fréquent permet d'accroître la solidité du mur en donnant un effet de voûte car avec le temps les murs en pierre sèche à parement droit ont tendance à prendre du ventre. Les têtes des murs sont verticales et le fruit moyen de ces ouvrages noté sur le tableau est assez important (Voir note No 2).
Ces murs ont fait l’objet d’une étude détaillée. Voir à ce sujet :
Un certain nombre de murs à parement courbe ont été observés dans la région et font l’objet d’un autre dossier où sont reprises les caractéristiques des murs de cette propriété.
- Un retour d'angle est signé par deux pierres ajustées suivant un dessin courbe (coupe 10.10).
- La surface utile dégagée par l'exécution des restanques par rapport à la surface épierrée est faible et le contexte rocheux existant dans les parties restées naturelles est le témoignage d'un travail énorme car en plus de l'épierrement et de l'exécution des murs il a fallu casser des têtes de rochers en place.
- Les pierres de remplissage en partie supérieure des murs des restanques ont été bien ajustées et l'on peut marcher sur la partie supérieure des restanques sans difficulté.
- La grande allée en partie basse est soutenue par un mur du même style que les murs des restanques dans sa partie centrale sous la murette en béton surmontée d'un grillage.
- Le mur de clôture au droit du portail côté est entre les stations du chemin de croix VI et VII est du même style avec parements intérieur et extérieur courbe et de très grosses pierres de taille. Ce mur sert de soutènement sur quelques mètres au chemin du calvaire.
Tous ces éléments pourraient suggérer que cet ouvrage a été réalisé ou au moins supervisé par des spécialistes dans un laps de temps assez bref.
En ce qui concerne leur datation, on peut éventuellement les rattacher à la période de construction de la bastide (L) soit vers 1760 après la fin des malheurs habituels accompagnant les guerres. En effet autour de cette maison ont été édifiés des murs également à parement courbe.
Rappelons que la guerre de succession d'Autriche s'était terminée le 12 Octobre 1748 par la paix d'Aix la Chapelle .
Ce type de murs à parement courbe est assez rare. On peut en voir un très beau en dessous du village de Biot sur la route départementale CD4 qui va de la nationale 7 à Biot près du carrefour de la route qui conduit à Sophia Antipolis au droit de la propriété "Le Balcon". Il est daté de 1827. D’autres murs ont été décrits dans le dossier consacré à ce type de murs
52 Le rond point
Il est exécuté en pierres de blocage grossières avec parfois incorporation de morceaux de briques le tout lié par un mortier de chaux de couleur claire. Il semble d'après l'observation des endroits où l'enduit en mortier a disparu que cet ouvrage a été exécuté ou restauré avec un coffrage. La partie supérieure est couronnée par des briques plates de 25 cm x 14 cm x 2 cm avec un raccord en mortier côté intérieur. Il semble que certaines chutes de briques de la banquette de 2,5 cm x 11 cm de large ont servi de réglée (Voir note No 3) pour l'exécution de l'enduit en mortier.
A l'intérieur du cercle se trouve un chêne qui serait un rejet d'un chêne qui se trouvait au centre et abattu par la foudre. La tradition familiale ne mentionne pas d'occupation monastique sur ce terrain.
En ce qui concerne la végétation, l'acte de l'an V mentionne des oliviers, des chênes verts et de la vigne jeune. La matrice cadastrale de 1813 reprend la même description.
Gressier
Cet acte de l'an V mentionne une aire et un "graissier". Une phrase de l'acte stipule "l'aire et le graissier" et plus loin on parle de "l'aire et graissier". S'agit-il d'un seul ouvrage ou de deux ouvrages distincts?
En ce qui concerne la définition du mot graissier le dictionnaire de Mistral de 1878 Dictionnaire Provençal - Français page 93 donne comme définition de "Greissié" : Assemblage de claies sur lequel on fait sécher les figues ou les prunes, cabane où l'on rentre les claies de figues.
Le dictionnaire d'Honnorat page 1129 Dictionnaire Provençal - Français donne comme définition "Graissier (Greissié)": Assemblage de claies sur lesquelles on fait sécher les prunes.
Ricolfi dans son essai de toponymie (bibliothèque Barbéra à La Turbie ) page 509 indique que le mot dérive du latin craticius,"claie à faire sécher les figues, ensemble de claies, lieu ou petite construction où on les plante". Il cite le nom en 1648 à La Roquette, en 1668 à Contes, en 1702 à l'Escarène, en 1864 à Colomars
Ainsi on pourrait formuler l'hypothèse que le rond point que l'on voit maintenant était primitivement une aire de battage avec un graissier séparé qui aurait disparu ou une aire sur les murettes de laquelle s'appuyaient des claies. Dans l'état actuel il s'agit plus vraisemblablement d'un aménagement d'agrément, lieu de repos ombragé de construction récente (cent ans ou moins) sur un aménagement agricole contemporain des restanques.
Sur le plan cadastral de 1813 le rond point figure déjà. Il a pu être reconstruit sous son apparence actuelle sur la base d'une ancienne construction dégradée. Le chemin qui l'entoure et qui se raccorde au chemin perpendiculaire aux restanques établit un lien entre cet ouvrage et l'exploitation des terres.
En ce qui concerne les cultures, dans l'acte de l'an V on parle de vignes jeunes et d'oliviers, et en 1840 dans le poème cité plus haut, il était question des trésors de Cérès (blé), des « présens » de Bacchus ( vigne) et de l'arbre toujours vert de Pallas (oliviers)
53 Ruines de bâtiments anciens
Elles se trouvent en partie est du terrain. Il pourrait s'agir d'un ancien bâtiment à usage agricole déjà dénommé masure dans la cadastre de 1813.
Dans l'acte on mentionne un jas, un four et un puits.
Ces éléments n'ont pas été localisés, mais un aqueduc de quelques mètres à l'arrière de la bastide (L) conduisait l'eau de pluie des toitures à un grand bassin semi enterré qui est encore en service.
D'autre ruines figurant sur le plan de géomètre n'ont pas pu être localisées. Une construction surmontée d'une dalle en béton a été obturée par des parpaings en partie est du terrain. Il pourrait s'agir d'un ouvrage de la guerre 1939-1945
Un curieux tas de pierre aux côtés maçonnés en pierre sèche de 2,50 m x 2,50 m et 0,50 m de haut se trouve côté est en (K)
54 Les fondations de baraquements
Dans les années 1930-1940 la partie ouest du terrain était louée à la compagnie des chemins de fer de l'Est pour leurs colonies de vacances.
Sur le plan de géomètre de 1971 l'emprise au sol des locaux situés sur la partie acquise par le Conservatoire représente plus de 2200m2 au sol.
Des baraques se trouvaient également sur la partie du terrain non vendue au Conservatoire.
Cette partie du terrain était isolée du reste par un grillage qui figure sur le plan de géomètre mais que l'on ne retrouve plus. On voit encore la trace de quelques locaux notamment sanitaires et des bases de poteaux électriques ainsi qu'un cairn maçonné.
Des familles des anciens jeunes colons viendraient encore en "pèlerinage" sur les lieux des exploits de vacances des anciens.
55 Les blocs de pierre blanche.
Ils se trouvent épars en partie haute du terrain et proviennent de l'explosion du phare à la fin de la deuxième guerre mondiale
6 Conclusion
Un certain mystère entoure cette propriété et les aménagements visibles bien que ne remontant pas à une antiquité très lointaine méritent d'être entretenus et préservés car ils forment un bel ensemble de propriété agricole d'il y a plus de deux siècles.
D’ailleurs, en 2007 l’association APEAE :
est en rapport avec le Conservatoire de l’Espace Littoral et des Espaces Lacustres et avec la Mairie d’Antibes pour mettre en valeur le site, restaurer les vestiges archéologiques et le patrimoine végétal.
Notes
( 1 ) Calibre: Pièce de bois ou métallique ayant une forme donnée permettant de réaliser un profil constant, par exemple pour les corniches en plâtre ou en ciment.
( 2 ) Fruit d'un mur: C'est l'inclinaison du parement vu par rapport à la verticale généralement calculé en % par exemple 10/100
( 3 ) Réglée: repères de quelques cm2 exécutés à un niveau très précis pour les sols ou un aplomb donné pour une façade et permettant d'exécuter ensuite l'ouvrage en tirant la règle entre deux repères.
Bibliographie
Barbès Raoul - Le Bois du Domaine Notre Dame à Antibes , Mémoires de l’Institut de Préhistoire et d’Archéologie Alpes Méditerranée, Tome XLV, 2003